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PIERRE QUI ROULE

tu t’en iras chez le diable pour n’en plus revenir. » Et voilà pourquoi, vers la fin de sa carrière, La sainte Charité s’abstenait religieusement d’aller exercer son industrie dans la région où il passe encore pour avoir couru le loup-garou.

LES MŒURS D’ANTAN

Il n’y avait guère d’ivrognerie. Pas de dipsomanie atavique et crapuleuse. Nos campagnards n’étaient pas des fils d’alcoolisés ? Longtemps après la cession, les vins de France étaient restés la boisson de consommation courante. L’importation de la jamaïque a précédé quelque peu l’établissement de la distillerie Molson.

Ce sont les Anglais qui ont introduit chez nous la plaie de l’alcool mais ce ne sont pas eux qui ont été les premiers à combattre efficacement ses ravages. Avant son apostasie, le fameux Chiniquy avait fait une campagne de tempérance restée célèbre. Plus tard, le Père Mailloux avait distribué des croix de tempérance dans toutes les paroisses de la région. Je me rappelle le temps où, dans certaine paroisse, un homme eut été déshonoré s’il s’était permis de prendre un verre de boisson alcoolique.

Mais cela nous amène vers le milieu du siècle dernier. Remontons vers la fin du siècle précédent. Contrecœur ne s’était guère aperçu de l’invasion américaine de 1775. Celle de 1812 devait produire une impression plus profonde chez nos populations rurales, vu qu’elle a nécessité la levée en masse : l’appel aux armes de tous les hommes valides, plus généralement désigné sous le nom de « commandement général. »

Les traditions militaires s’étaient quelque peu oblitérées depuis 1760. Les familles canadiennes ne comptaient plus de soldats, mais elles persistaient à