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Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/36

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PIERRE QUI ROULE

y avait introduit une quantité de poissons, et les cultivateurs avaient profité de cette aubaine pour improviser une pêche quasi miraculeuse. Des hommes munis de couvertes, draps et autres seines de fortune draguaient le fond du cours d’eau et le produit de leur pêche s’entassait dans des cuves, seaux et autres récipients. Cette abondance dura peu ; mais la marmaille avait pris goût à la pêche. Lorsqu’il ne resta plus que des batraciens, Quéquienne, qui avait accompagné son frère et ses cousins, fut invité à un régal de cuisses de grenouilles cuisinées le long du fossé. Il les trouva excellentes, mais ses parents le morigénèrent si bien qu’il n’y retourna plus.

Une autre impression qui resta profondément gravée dans sa mémoire fut la mort de son chien « Café ». On racontait que des personnes avaient été mordues par des chiens enragés et tout le monde était sur le qui vive. Un jour, Café revint à la maison, les reins cassés et traînant ses pattes de derrière. Quelqu’un l’avait pris pour un chien enragé. Il fallut l’abattre. C’était un bon chien, d’humeur très douce, qui fut pleuré non seulement par Quéquienne, mais aussi par la mère Quénoche et par ses autres enfants.

Un jour, au temps de la moisson, le frère et la sœur ainés de Quéquienne avaient amené celui-ci chez l’oncle Hyacinthe, alors que toutes les grandes personnes travaillaient aux champs, et que les jeunes, enfants étaient restés à la maison sous la surveillance de l’ainée. Celle-ci, très hospitalière, ne savait que faire pour amuser ses jeunes cousins. Après les avoir fait jouer à des jeux tous plus intéressants les uns que les autres, elle s’avisa de leur faire voir et entendre quelque chose de tout-à-fait nouveau pour eux.

Elle décrocha le fusil de chasse qui était pendu à une poutre. C’était un vieux fusil à pierre, le seul que la famille avait pu soustraire aux perquisitions