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Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/37

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PIERRE QUI ROULE

des soldats de 1837. Elle ignorait qu’il fut chargé, mais elle savait qu’en mettant de la poudre dans la batterie et en tirant sur la détente, l’explosif s’enflammerait sans produire de détonation. Elle appuya le canon du fusil sur la fenêtre ouverte et tira sur la gâchette. Une formidable détonation retentit. Le vieux flingot était chargé. Le recul de la crosse faillit renverser l’apprentie chasseresse. Les travailleurs alarmés se hâtèrent d’accourir. Par bonheur, aucun accident ne s’était produit ; mais les enfants de Quénoche ne jugèrent pas à propos de prolonger leur visite.

PREMIÈRE OPÉRATION FINANCIÈRE

En 1851, Quénoche retourna à Sainte-Victoire pour s’y établir en permanence. On lui avait offert une rémunération raisonnable pour ses services en qualité de maître-chantre, et il avait acheté l’emplacement occupé par le tanneur de l’endroit. Il était entendu que celui-ci devait rester quelque temps avec la famille Quénoche, afin de régler ses affaires. Avant son départ, le tanneur avait fait un encan pour disposer de son mobilier. L’enchère publique avait fort intéressé Quéquienne, qui aimait la foule et le bruit.

Parmi les négociants du Pot-au-Beurre figuraient deux propriétaires de roues de fortune qui, le dimanche et les jours de fête, se faisaient concurrence à la porte de l’église pour vendre des friandises : pipes-rouges, bâtons de sucre d’orge, biscuits à la mélasse et autres nênanneries et galettages. L’un d’eux, albino lui-même, élevait une nombreuse famille presque exclusivement composée d’albinos. Il avait la vue très courte, et ses pauvres yeux marrons, tout en lui permettant de lire en regardant de très près, le rendaient peu propre aux travaux ordinaires. Il était