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Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/58

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PIERRE QUI ROULE

s’ébranla, les aubes des roues latérales battirent les flots et le navire descendit jusqu’à Sorel, puis remonta le fleuve jusqu’à Montréal. Les eaux charriaient encore quelques glaçons, mais pas assez pour nuire à la navigation.

Plusieurs familles d’émigrants étaient à bord et la conversation des quelques voyageurs qui avaient déjà demeuré dans les États manufacturiers était écoutée avec beaucoup d’intérêt. Le pont Victoria n’était pas encore construit. Il devait être inauguré l’année suivante. Du quai où le Chambly alla s’amarrer, l’on apercevait la ligne des piliers qui s’étendait à travers le fleuve ; mais la superstructure n’avait pas encore fait son apparition. Sur la rive sud, à Saint-Lambert, se trouvait la tête de ligne de l’unique voie ferrée se dirigeant alors vers les États de l’Est.

Un train y était en voie de formation et, de la rive Montréalaise, on pouvait voir une locomotive avançant et reculant pour réunir sur une même voie les wagons à destination de Rouse’s Point ou d’autres stations américaines. Les émigrants traversaient le fleuve dans des barques à rames, chaque embarcation portant une vingtaine de personnes et les bagages. Les enfants s’intéressaient beaucoup aux incidents du voyage. L’un des bateliers avait fait un grand plaisir à Quéquienne en lui permettant d’appuyer le mouvement de sa rame.

Il n’y avait pas de quai de gare à Saint-Lambert. On se hissait comme on pouvait dans ce que le populaire nommait tout simplement les chars. On dit : les gros chars depuis l’avènement des tramways, auxquels on donne aujourd’hui le nom de petits chars. Étymologiquement, ce dernier nom vaut bien l’autre. On s’installait sur les sièges rembourrés, recouverts, en peluche rouge : de beaux fauteuils en velours veloutré, comme disait l’un des voyageurs.