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Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/79

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PIERRE QUI ROULE

jours de pluie diluvienne occasionnèrent des retards tels qu’il fallut trois ou quatre semaines pour se rendre à Acton Vale dans le comté de Bagot.

La vieille jument Sukey ne s’était guère amusée le long de la route. Elle était tellement fourbue en arrivant à Acton qu’il fallut la mettre au vert. Ni le mont Washington, ni les autres pics sourcilleux des Montagnes Blanches, ni les gracieuses ondulations de Stanstead Plains, ni les bords enchanteurs du lac Memphremagog n’avaient fait tressaillir les fibres poétiques de son âme chevaline. Elle aspirait à un repos bien mérité. On le lui donna de grand cœur, pendant que les jeunes gens trouvaient à s’occuper provisoirement aux mines de cuivre d’Acton Vale, alors en pleine exploitation.

Vers la fin de septembre, on se remit en route pour Sainte-Victoire. On arrêta à Saint-Marcel, chez un oncle de Quénoche où la vieille Sukey fut vendue à un prix qui n’avait rien d’exorbitant. On n’était plus qu’à une quinzaine de milles de Sainte-Victoire où la famille fut transportée par les chevaux des cousins de Quénoche. Celui-ci avait racheté sa maison lors d’un voyage qu’il avait fait au Canada pour assister aux funérailles de son père. On réintégra l’ancien domicile. Quénoche reprit sa place de maître-chantre et se remit provisoirement à faire de la cordonnerie.

M. Bernier était revenu à l’école du village, et Quéquienne retourna prendre des leçons de cet excellent maître. Dès que sa sœur aînée eut atteint l’âge de 18 ans, elle obtint son diplôme d’institutrice et se mit à enseigner. Six des enfants de Quénoche devaient successivement recevoir leur brevet et se livrer à l’enseignement : ses quatre filles et deux de ses fils, y compris Quéquienne. Pour le moment, celui-ci ne songeait guère à la pédagogie.