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Page:Trent - Litterature americaine.djvu/344

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336 LA PÉRIODE LOCALE (1830-1865)

nément dans les sociétés académiques orthodoxes. Il est évident que Whitman eut le sentiment vigoureux de sa personnalité. Il eût été, sans cela, une extraordinaire exception dans l’Amérique du xix^ siècle. Mais ce sentiment, pas plus que la forme ou la singularité de ses poèmes, ne sont des preuves de décadence, alors que sa prose vient à l’appui de ses vers montrer qu’il fut plus tôt ce que nous appellerons, faute d’une meilleure désignation, un original. Pour la littérature, il représente assez bien cet élément d’action qui fit, de fils de fermiers des rois de l’industrie et de poseurs de rails ou de tailleurs, des Présidents.

Même, comme dans le cas de Whitman, lorsque des êtres sont doués de véritables facultés intellectuelles, leur principale force paraît résider dans leurs émotions. Ce fut la puissance émotive des Leaves ofGrass qui valut à Whitman des amis dévoués. Sa poésie fortifie plutôt qu’elle ne débilite. Elle produit chez le lecteur une révélation de la personnalité, elle développe son patriotisme, élargit le cercle de ses sympathies, purifie son esprit et vivifie son être. Les Leai>es sont pour beaucoup plus qu’on ne pense dans le mouvement actuel de l’Amérique en faveur du sport et de la vie au grand air, et dans le développement de l’idée de la « vie intense ».

A quel rang parmi les écrivains faut-il placer Whitman ? C’est la une question à laquelle on ne peut encore répondre en toute assurance. Plus on l’observe et plus on s’aperçoit de l’impossibilité d’en faire une critique adéquate. D’un fouillis de jargon désespérant on tombe sans transition sur un passage de rythme superbe, de l’expression la plus siire et de l’imagination la plus vive. Du chauvinisme en apparence le plus stupide, on passe à l’exposition très sentie des dangers, matériels et spi-