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ADO — ADO


ils disent : Nous adorons votre Majesté. (Les Pères parlent à l’Empereur). Il y en a une de crainte seule, comme quand Jacob adora Esaü. Il y en a une d’action de grâces, comme quand Abraham adora les enfans d’Heth. C’est pourquoi l’Ecriture voulant nous instruire, dit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, & ne serviras que lui seul. Elle met l’adoration indéfiniment, comme un terme équivoque, qui peut convenir à d’autres : mais elle restreint à lui seul le service λατρείαν, que nous ne rendons qu’à lui seul. Fleur, d’après le Concile.

Cependant quelques nouveaux Critiques ont prétendu que dans une version françoise de l’Ecriture, on ne devoit se servir du mot adorer, que lorsqu’il étoit parlé du culte qui se rend à Dieu seul. Il est vrai que le mot latin adorare, dans l’ancienne édition de la Bible, qui a été traduit par adorer dans les versions françoises, est de lui-même équivoque ; & l’équivoque vient du verbe Hébreu שחה schahha, qui simplement signifie se courber, se prosterner devant quelqu’un pour le saluer. M. Simon au contraire, dans sa réponse aux sentimens de quelques Théologiens de Hollande, Ch. 16, croit qu’on doit conserver toujours le mot d’adorer dans les versions françoises de l’Ecriture, comme un terme consacré & autorisé dans l’Eglise par un long usage. Il ajoute qu’il est facile de remédier à l’équivoque de ce mot par une simple note, & qu’il n’est pas possible de retrancher entièrement les équivoques qui sont dans toutes les Langues, parce qu’il n’y a pas autant de mots, qu’il y a de choses : Res infinitæ, voces finitæ.

En effet, au Ch. 2 de Saint Mathieu, v. 2, où il est dit que les Mages vinrent pour adorer l’Enfant Jésus, il a ajouté cette note à la marge de sa version : le mot d’adorer signifie en général dans l’Ecriture, se mettre à genoux, ou se prosterner devant quelqu’un ; mais quand il est appliqué à Dieu, il signifie une véritable adoration. Sur le vers. 11 du même Chapitre, où il est dit que les Mages se prosternant, adorerent l’Enfant Jésus ; il ajoute cette autre remarque : c’est la manière de saluer qui étoit en usage dans une bonne partie de l’Orient, & plusieurs peuples l’observent encore aujourd’hui à l’égard de leurs Rois. On lit aussi sur ce même endroit, dans la version françoise de toute la Bible, imprimée à Anvers en 1534, avec privilége de Charles V, & l’approbation de quelques Docteurs de Louvain : les Hébreux usent souvent de ce mot adorer, pour honorer avec prosternation de corps, comme on fait encore aux Rois & aux Princes en Orient. Lorsqu’il s’agit du culte que les Mages rendirent à l’Enfant Jésus, on fait bien de garder le terme d’adorer, parce que les Mages, par leur culte reconnurent la Divinité de Jésus-Christ, & l’adorerent effectivement. Mais il ne faut pas pour cela garder dans les versions le terme d’adorer, par-tout où le Latin porte adorare ; le terme François est bien plus déterminé que le Latin ; & par conséquent il n’est pas permis de mettre indifférement l’un pour l’autre ; comme il seroit ridicule de mettre dans une version Françoise Concile, par-tout où le Latin porteroit Concilium ; & Eglise, par-tout où le Grec porteroit ἐϰϰλησία. C’est un défaut des premières versions, qu’on a rendues très-mauvaises à force de vouloir les rendre trop littérales. Voyez là-dessus la préface du Père Bouhours, sur sa Traduction du Nouveau Testament.

Il est vrai que les Grecs ont deux mots différens pour exprimer l’adoration qu’ils rendent à Dieu, & celle qu’ils rendent aux choses créées. Ils expriment ordinairement la première par le verbe λατρεύειν, & la seconde par προσϰυνεῖν. Ils se servent de ce dernier quand ils parlent de l’adoration des Images, de l’adoration du Livre des Evangiles, & de celle des saints Dons, c’est-à-dire, des symboles du Pain & du Vin, avant qu’ils soient consacrés. Voyez les mots Image, Evangile, Dons.

☞ On dit, Adorer la Croix : mais c’est dans un autre sens qu’adorer Dieu, & seulement par relation à Jésus-Christ. Acad. Fr.

Adorer, signifie aussi hyperboliquement, avoir beaucoup d’amour, une soumission extrême, ou une admiration aveugle pour quelqu’un. J’adore jusqu’à vos dédains & vos rigueurs. S. Evr. On adore Virgile dans son Enéide. Je ne saurois adorer toutes vos fantaisies ; c’est-à-dire, je ne les respecte point ; je ne vous applaudis point aveuglément. Cette mère adore ses enfans ; c’est à-dire, Elle les


aime éperduement. Les Courtisans adorent les Favoris & ceux dont ils attendent des bienfaits. L’audace est triomphante, & le crime adoré. Breb. Je ne vais point au Louvre adorer la fortune. Boil. C’est peu dire, je l’aime ; Elvire, je l’adore. Corn. Le mérite qui fait adorer les Princes, attire aux particuliers la haine & l’envie. Bouh. Louïs II. Prince de Condé se seroit fait adorer de tout le monde, s’il se fût un peu ménagé. Rochef.

 Et les Rois à genoux venoient de toutes parts,
Adorer la grandeur du Trône des Césars.

God.

 
L’absence ni le temps, je vous le jure encore,
Ne peuvent vous ravir ce cœur qui vous adore.

Racin.

 
Tonne, frappe, il est temps ; rends-moi guerre pour guerre,
J’adore en périssant la raison qui t’aigrit ;
Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre ;
Qui ne soit tout couvert du sang de Jesus-Christ ?

Des Barraux.

On dit proverbialement, Adorer le Veau d’or ; pour dire, faire bien des soumissions à un homme sans mérite, en considération seulement de ses richesses ; par allusion au Veau d’or qu’adorerent les Israëlites.

Adoré, ée, part. pass.

☞ ADORF, AUDORF. Nom propre d’une petite ville de la Haute-Saxe. Adorfium. Elle est dans la Misnie, sur l’Ester, au-dessous de Plawen.

ADOS. s. m. Terme de Jardinage. Terre élevée en talus contre une muraille bien exposée. On sème des pois & des féves sur un ados, pour les avancer plus qu’en pleine terre, parce que la réfléxion du soleil échauffe ces talus. Les laitues ont besoin d’un bon ados pour venir promptement. On donne à la terre ainsi élevée, le nom d’ados, parce qu’elle est en talus, & qu’elle forme une espèce de dos ; Id. ou bien parce qu’elle est au dos du mur, adossée, appuyée contre le mur.

ADOSSER. verb. act. Conj. Je m’adossai ; je me suis adossé ; je m’adosserai. Mettre le dos contre quelque chose. Dorsum applicare, dorso incumbere. Il se dit plus ordinairement au figuré en ces phrases. Cette maison est adossée contre l’Eglise, contre la montagne. Ce lit est adossé contre la muraille. Inniti, incumbere, applicari. Lorsqu’il se vit attaqué, il s’adossa contre la muraille.

On dit aussi avec le pronom personnel, s’Adosser contre quelqu’un, pour dire, avoir le dos tourné l’un contre l’autre. Tergum obvertere. Les Soldats s’étant ainsi adossés, ne craignirent plus d’être enveloppés par l’ennemi. Ablanc.

Adosser, se dit en termes de Blason, de ce qui est tourné le dos contre le dos de son pareil. Adversos pingere, ponere. Montbeliard porte d’azur à deux bars adossés d’or : ce sont deux espèces de poissons. On dit aussi adorsé : le contraire est affronté. Il se dit particulièrement des animaux rampans, comme le lion, &c. On le dit en général de tout ce qui a de la longueur, & qui a deux faces différentes : comme des clefs adossées, quand leurs pannetons sont en dehors : des faux adossées, &c. Ce mot vient d’ad & de dorsum.

Adossé, ée, part. pass. & adj. Il a en François comme en Latin la signification de son verbe.

☞ ADOUAR. s. m. Un Adouar est une espèce de village ambulant (car il y en a très-peu de bâtis & de stables en toute l’Afrique) composé de quelques familles Arabes qui campent sous des tentes, tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, selon que la bonté du terrain les attire. Chaque Adouar a son Marabou, & se soumet à la conduite d’un Chef qu’ils choississent entr’eux. Voyez le Diction. de la Martinière.

ADOUBER. v. act. Accommoder, boucher des trous dans une fontaine, dans une machine, &c. Reficere. Tous les tuyaux de cette machine sont bien adoubés, elle doit jouer maintenant. On le dit quelquefois des vaisseaux ; mais on se sert plus ordinairement de radouber.

Ce mot vient du Latin adaptare. Du Cange le dérive du mot adobare, qui signifioit autrefois, Armer. Voyez adopter Adapter.

Adouber, vouloit dire autrefois, donner à un Chevalier, ou à un Soldat, les armes nécessaires, les habits, &c.


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