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Page:Trevoux - Dictionnaire, 1721, T01, A.djvu/7

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PREFACE iij


agréablement par la déférence & le ménagement que font paroistre pour ses lumieres ceux qui n'avancent rien sans l'appuyer de preuves solides & de bons témoignages. Il aime à estre instruit, mais il n'aime pas qu'on luy fasse des leçons, & il presume qu'on luy en veut faire, lorsque sans citer, on semble luy prescrire d'autorité qu'il faut parler de telle ou telle maniere, ou qu'on ne doit pas se servir de telle ou telle expression ; au lieu que ceux qui citent semblent moins luy prescrire comment il faut parler, que luy apprendre comment ont parlé les plus célebres Auteurs. Il se figure que les premiers veulent luy imposer une espece d'obligation & de necessité de se rendre à leurs décisions ; & c'est ce qui ne luy plaist pas. Il s'imagine au contraire que les seconds ne font que luy exposer les sentimens & l'usage des meilleurs Ecrivains, en luy laissant la liberté de s'y conformer s'il le juge à propos ; & c'est ce qui flatte sa vanité. Enfin il regarde les uns comme des Juges supérieurs qui donnent des Arrêts & qui veulent qu'on s'y soumette sans autre discussion ; au lieu qu'il considere les autres comme des amis éclairez qui déliberent avec luy si l'on peut user de telle expression sur la foy & l'autorité de tels & tels Auteurs qui en ont usé ; ce n'est point une loy qu'on luy fait, c'est un avis qu'on luy propose, c'est un conseil qu'on luy donne, & auquel il se rend d'autant plus volontiers, qu'il semble le faire avec moins de contrainte.

On ne prétend point se faire icy un mérite auprés du Public d'avoir suivi cette derniere méthode dans le nouveau Dictionnaire qu'on luy présente, puisque comme je l'ay remarqué on n'a pû se dispenser de la suivre ; mais si l'on a lieu de se promettre quelque faveur auprès de luy, c'est uniquement sur le soin & l'application qu'on a apportée à rendre cet Ouvrage plus complet, plus étendu & plus correct qu'aucun de ceux qui ont paru jusqu'icy en ce genre. Ce qu'on en dit, au reste, n'est point pour diminuer en rien la gloire de ceux qui ont travaillé aux autres Dictionnaires ; ils sont tous très louables dans ce qu'ils ont fait, & tres excusables dans ce qui leur a échapé. Il n'est presque pas possible de finir absolument ces sortes d'Ouvrages. Si nous avons esté plus loin que les autres, nous ne nous flattons pas pour cela que personne ne puisse aller plus loin que nous ; mais je ne crois pas qu'on trouve à redire, que nous croyions estre approché de plus prés que les autres de ce point de perfection que tous se proposent, & où il est si difficile de parvenir. Ceux qui viennent les derniers ont un grand avantage sur ceux qui les ont précédé, en ce qu'ils peuvent profiter de leurs lumieres, quelque différence qu'il y ait dans la méthode qu'on suit, & dans la maniere d'exposer les choses. Car quoiqu'on travaille sur le même fond, on ne fuit pas toûjours la même route, & l'on ne se tient pas toûjours dans les mêmes bornes ; & si l'on convient pour le principal, on ne convient pas quelquefois pour le détail, & pour le tout & l'explication. C'est ce qui fait que cette multiplicité de Dictionnaires, loin d'estre onéreuse au Public, luy est au contraire d'un grand·avantage & d'un grand secours, en ce qu'elle luy fournit de nouvelles autoritez, & qu'en confrontant ensemble ces Livres differens, on n'a point de peine à se rendre sur les points dont ils conviennent. Que s'il s'en trouve sur le fonds ils ne soient pas d'accord, on peut peser leurs raisons & leurs autoritez, & l'on se voit en estat d'en juger par soy-même, & de prendre le parti qu'on juge le meilleur tout bien considéré.

Ce qu'on peut dire en général de ce nouveau Dicttionnaire, c'est qu'il n'y en a peut-estre point qui porte avec plus de justice le titre de Dictionnaire Universel. Car quoiqu'on se soit attaché à exposer de la maniere la plus précise & la plus courte qu'on a pû, tout ce qui est renfermé sous ce titre, cependant il est certain qu'il embrasse universellement tout ce qui a quelque rapport à la Langue, & qu'il n'exclut que les faits purement historiques. Ainsi encore qu'on n'ait point fait une longue énumération de toutes les Sciences & de tous les Arts dont ce Dictionnaire explique les notions & les termes, on conçoit aisément qu'ils sont tous compris sous ce titre général de tout ce que renferment les Sciences & les Arts soit libéraux ou mécaniques.

On y trouvera en effet tout ce qui regarde la Philosophie & chacune de ses parties, comme la Logique, la Metaphysique, la Physique, & tout ce qui peut szervir à l'explication des experiences par le moyen desquelles on a si fort perfectionné cette derniere scien-.


Tome I.

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