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iv PREFACE


ce dans le siecle passé. J'en dis de même de la Théologie, des Mathématiques, de la Navigation, de la Médecine, de la Chymie, de la Botanique, de la Jurisprudence, de l'Architecture, de la Peinture, de la Gravûre, de la Monnoye, de l'Imprimerie, & de tous les Arts, sans m'étendre plus au long sur chacun en particulier, & sur tout ce qui les regarde, dont le détail ne serviroit qu'à charger inutilement une Préface, sans que le Lecteur s'en trouvast plus instruit. D'ailleurs, comme les autres Dictionnaires, qui se donnent pour Universels, promettent à peu près la même chose, & que celui-ci ne peut avoir d'autre avantage sur eux de ce costé-là, que celui de les surpasser en effet par une plus grande exactitude, j'aime mieux me retrancher à ce qu'il y a de particulier, & à ce qui le distingue essentiellement des autres, & pour la matiere & pour la forme.

Je diray donc d'abord que ce qui fait proprement son caractère distinctif, & ce qu'il n'a de commun avec aucun autre Dictionnaire Universel, c'est qu'il est François & Latin ; voilà ce qui fait en partie son mérite particulier, & ce qui le rendoit en quelque sorte nécessaire. Je sçai qu'on pourra dire, que n'étant question principalement que d'un Dictionnaire de la Langue Françoise, & le Latin ne s'y trouvant, pour ainsi parler, que comme accessoire, on ne voit pas qu'il y eust grande raison de le joindre au François ; mais, outre qu'il est d'un grand agrément & d'un grand secours, de trouver en même temps, & d'un même coup d'œil, le mot Latin & le mot François qui se répondent, on ne peut disconvenir que le mot Latin ne serve beaucoup à l'intelligence parfaite du mot François, non-seulement pour les Etrangers, mais encore pour les Naturels mêmes ; de sorte qu'à bien prendre les choses, ce n'est point sortir des termes d'un Dictionnaire de la Langue Françoise, que d'y joindre les secours d'une autre Langue, qui, toute étrangere qu'elle y paroisse, y a tant de rapport pour les mots & pour les tours, & est si propre à faire prendre une idée claire & juste du François même. Ce sont comme deux images différentes, qui loin de se nuire ou de se détruire, s'entraident au contraire l'une l'autre, & concourent en quelque sorte, à former dans l'esprit une notion distincte des objets qu'elles représentent. Il est vray que cela est tout à fait inutile pour ceux qui n'entendent point le Latin ; mais ceux-là en seront quittes pour s'en tenir précisément au François, qu'ils trouveront aussi clairement expliqué, & aussi nettement dévelopé que si on ne s'étoit rien proposé de plus. A l'égard de ceux qui ont l'usage de la Langue Latine, ils ne seront point fâchez de voir le rapport & la liaison qu'il y a entre ces deux Langues, & de reconnoître les mots François qui tirent leur origine du Latin. Pour ce qui est des Etrangers, il est évident que rien ne sauroit être d'une plus grande utilité pour eux dans l'étude qu'ils font de notre Langue, & que rien n'est plus propre à leur faire pénétrer la force & le vray sens des mots François. Car en premier lieu, si l'explication d'un mot n'est qu'en François, ceux qui ne savent point encore nôtre Langue, & qui l'apprennent, n'entendront pas mieux l'explication du terme qu'ils cherchent, que ce terme même, & souvent pour un mot seul qui les arrestoit, en trouvant, dans l'exposition qu'en fait le Dictionnaire, deux ou trois qu'ils ignorent, leur recherche ne fait qu'augmenter leur embarras. De plus, quelque peine qu'on puisse prendre à leur bien déterminer la véritable signification, & les usages différens d'un terme de notre Langue, le mot Latin qu'ils y trouveront joint immédiatement, servira plus à leur en donner une idée bien nette, que toutes les leçons & toutes les explications du monde. En effet, ayant, comme on peut le supposer de la pluspart de ceux qui manient les Dictionnaires, assez de connoissance de la Langue Latine, ils concevront tout d'abord la force & l'énergie d'un mot François, quand ils verront qu'il signifie précisément la même chose que le terme latin qui le suit, & dont ils pénétrent le sens : au lieu que sans cela, il n'y aura qu'un long usage qui puisse les aguerrir, pour ainsi dire, en cette matiere. Parlez à un Etranger, par exemple, d'une avance de deniers pour un payement, ou une entreprise, il ne comprendra jamais mieux ce qu'on entend par-là, que quand il lira dans son Dictionnaire, que ce n'est autre chose que ce qu'on appelle en Latin, Repræsentatio pecuniæ. J'en dis autant des différens usages d'un mot. Car, pour ne point m'écarter de celui que je viens de rapporter, on ne fera jamais mieux concevoir à un Etranger, en combien de manieres se peut prendre le terme d' avancer, qu'en