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qui ont fait venir ce nom de Cadmus, parce qu’il sut le premier Instaurateur des Lettres chez les Grecs, se sont trompés. D’autres disent que ce mot est composé de deux mots Grecs, δείζ, qui signifie remède, & δέμοζ, qui veut dire Peuple, comme si les Académies étoient le remède du Peuple. Sa véritable origine vient d’Academus, ou Ecademus, nom propre d’un Bourgeois d’Athènes, dont la maison servit à enseigner la Philosophie. Il vivoit du temps de Thésée. C’est dans sa maison située dans le fauxbourg d’Athènes, que Platon enseigna la Philosophie. Cimon l’orna, & l’embellit de fontaines & d’allées d’arbres, pour la commodité des Philosophes qui s’y assembloient. On y enterroit les grands hommes qui avoient rendu de signalés services à la Patrie. Depuis Platon tous les lieux où se sont assemblés les gens de Lettres, ont été nommés Académie. Sylla sacrifia aux loix de la Guerre les délicieux bocages, & les belles allées que Cimon avoit fait dresser dans l’Académie d’Athènes, & employa ces arbres à faire des machines pour battre la Ville. Cicéron avoit une maison près de Pouzzol, à qui il donna le même nom : c’est là qu’il écrivit ses Questions Académiques & ses livres de Naturâ Deorum, de Amicitiâ, & de Officiis, dit Mr Harris.

Académie se prend aussi pour la Secte des Philosophes. On compte trois Académies, trois Sectes académiciennes. Quelques-uns en comptent même jusqu’à cinq. Platon fut le Chef de l’ancienne. Arcésilas, l’un de ses successeurs, apporta quelques changemens dans sa Philosophie, & fonda par cette réforme ce qu’on appelle la seconde Académie. On attribue à Lacides, ou à Carnéades, l’établissement de la troisième ou nouvelle Académie. Quelques Auteurs ajoûtent deux Académies. Une quatrième fondée par Philon & Carmides ; & une cinquième fondée par Antiochus, & nommée Antiochienne, qui allioit l’ancienne Académie avec le Stoïcisme. Voyez sur tout cela les Questions Académiques de Cicéron ; personne n’a mieux débrouillé les différens sentimens, ou plutôt les différentes méthodes de traiter la Philosophie, dont se servoient ceux qu’on appelloit de son temps les partisans de la nouvelle, & les partisans de l’ancienne Académie. L’ancienne Académie doutoit absolument de tout, & alloit même jusqu’à douter s’il falloit douter, se faisant une espèce de principe de ne jamais rien assurer, & de ne jamais rien nier, de ne tenir rien ni pour vrai, ni pour faux. La nouvelle Académie étoit un peu plus raisonnable, elle reconnoissoit plusieurs vérités, mais sans s’y attacher avec assurance. Ces Philosophes s’appercevoient bien que le commerce même de la vie & de la société est incompatible avec ce doute absolu & général de l’ancienne Académie ; mais cependant ils regardoient les choses comme probables, plutôt que comme vraies & certaines ; & par ce tempérament ils croyoient se tirer des absurdités dans lesquelles tomboit l’ancienne Académie. Voyez encore Vossius de Sect. Philos. c. 12. 13. 14. 15. & Georg. Hornius Hist. Philos. L. 3. C. 20.

ACADÉMIE, s. f. Assemblée des gens de Lettres, où l’on cultive les Sciences & les beaux Arts. Academia. En France il y a toutes sortes d’Académies établies par Lettres Patentes dans Paris : l’Académie Royale des Sciences, pour cultiver la Physique, la Chymie, & les Mathématiques : l’Académie Françoise, pour la pureté de la Langue : l’Académie des Médailles & des Inscriptions : l’Académie d’Architecture, pour les bâtimens. L’Académie de Peinture est une belle école de Peintres & de Sculpteurs. Et l’Académie de Musique est établie pour les Opéras. Il y en a même d’établies dans les Villes particulières, comme à Arles, à Soissons, à Nismes, &c. Il y a à Toulouse l’Académie des Lanternistes. Il y a aussi dans la plûpart des Villes d’Italie des Académies, dont les noms sont curieux à cause de leur bisarrerie. A Sienne on appelle les Académiciens, Intronati : à Florence, Della Crusca ; à Rome Humoristi, Lyncei, Fantastici : à Bologne, Otiosi : à Gènes, Addormentati : à Padoue, Ricovrati, & Orditi : à Vincenze, Olympici : à Parme, Innominati : à Milan, Nascosti : à Naples, Ardenti : à Mantoue, Invaghiti : à Pavie, Affidati : à Cesene, Offuscati : à Fabriano, Disuniti : à Fayence, Filoponi : à Ancone, Caliginosi : à Rimini, Adagiati : à Cita del Castello, Assorditi : à Perouse, Insensati : à Ferme, Rafrontati : à Macerata, Catenati : à Viterbe, Ostinati : à Alexandrie, Immobili : à Bresse, Occulti : à Trevise, Perseveranti : à Verone, Filarmonici : à Cortone, Humorosi : à Luques, Oscurri : Mr Pelisson en a donné ce Catalogue dans son Histoire de l’Académie. Mascurat ajoûte les Sileni, à Ferrare : les Agitati, à Cita di Castello, mettant les Assorditi à Urbin. On a dit d’un Perroquet :

Ce petit animal plein de sens & d’esprit,
N’entendoit rien qu’il ne comprît ;
Parla si bien François tout le temps de sa vie,
Que si tout son mérite avoit été connu,
Assurément il auroit eu
Une place à l’Académie. Pavill.


Il y a encore à Florence une Académie de Physique nommée del Cimentò, où l’on fait plusieurs expériences Physiques & Astronomiques. Elle a été établie par Laurent de Médicis, & est souvent citée par Francisco Redi Médecin. Au reste, l’Académie della Crusca à Florence est différente de l’Académie de Florence, laquelle est plus ancienne que celle della Crusca. On les a souvent confondues, & le Tasse même s’y méprit d’abord. Il attribua à l’Académie de Florence la critique que quelques Académiciens della Crusca firent de ses Ouvrages dans les premiers temps de l’établissement de cette Académie. Voyez tout cela fort bien débrouillé dans l’Aminta diffesa du savant Mr Fontanini. Il falloit aussi ajoûter l’Académie des Arcadiens à la liste des autres. Car quoique ces Messieurs ne se donnent point le titre d’Académiciens, & qu’ils affectent de ne se servir que de termes conformes à la qualité qu’ils prennent de Bergers d’Arcadie, cependant on appelle Académie ce qu’ils ne veulent appeller que Ragunanza, ou Assemblée, parce qu’effectivement on se propose à peu près le même but dans leurs Assemblées que dans les autres Académies, qui sont établies pour entretenir une noble émulation parmi les Savans, & sur-tout parmi ceux qui cultivent la Poësie, & ce qu’on appelle plus particulièrement les belles Lettres. On a depuis peu établi à Venise une Académie de Savans ; une autre à Dublin, une autre à Oxford, qui travaillent à l’avancement des Sciences. Il y a eu une Académie en Allemagne, établie sous le titre d’Académie des Curieux des secrets de la Nature dans le Saint Empire Romam. L’Empereur lui donna sa protection en 1670. Elle fut établie dès 1652. par le Sieur Bauch Médecin. L’une des plus fameuses de toutes les Académies, est celle qui est établie à Londres, sous le nom de Société Royale d’Angleterre, qui est composée de plusieurs Savans de qualité, qui nous ont fait voir plusieurs beaux Ouvrages, & dont on a vû aussi d’excellens Journaux, sous le titre de Philosophical Transaction. Au reste, quoique ces Académies soient dans l’approbation commune, elles ne sont pas toutefois dans celle de ce grand Chancelier d’Angleterre, François Bacon, ni, pour le dire vrai, dans la mienne. Car je vois que du temps de Léon X. que l’on doit comparer à celui de l’Empereur Auguste, ces façons d’exercer la jeunesse avec tant de montre, de pompe & d’éclat n’étoient point en usage, desorte que l’on pourroit dire avec Pétrone à tous ces MM. les Académistes, Pace vestrâ liceat dixisse, Primi omnium eloquentiam perdidistis, &c. Mascur. Charlemagne établit par le Conseil d’Alcuin une espèce d’Académie, dont il voulut être lui-même, & qui étoit composée des plus beaux Esprits, & des plus Savans de la Cour. Dans ces conférences Académiques chacun rendoit compte des anciens Auteurs qu’il avoit lûs ; & même ceux qui en étoient, prirent chacun un nom de quelque Auteur ancien qui étoit le plus à son goût, ou de quelque homme fameux dans l’antiquité. Alcuin, dont les Lettres nous apprennent ces particularités, prit celui de Flaccus, qui étoit le surnom d’Horace ; un jeune Seigneur, nommé Angilbert, prit celui d’Homère ; Adelard, Abbé de Corbie, s’appella Augustin ; Riculfe, Evêque de Mayence, se nomma Dametas ; le Roi lui-même prit le nom de David. P. Dan. Il paroît par-là que Mr Baillet n’étoit pas assez instruit, quand il a dit que c’est en suivant le génie des gens de Lettres de son temps, amateurs des noms Romains, qu’Alcuin s’est appellé Flaccus Albinus.

On dit aussi Academie en parlant des Ecoles des Juifs, & des endroits où ils ont des Rabbins & des Docteurs pour enseigner aux jeunes gens de leur nation la Langue Hébraique, leur expliquer le Talmud, leur apprendre la Cabale &c. Les Juifs n’ont eu de ces sortes d’Académies que depuis le retour de la captivité de Babylone. Les Académies de Tibériade, de Babylone, ont été fameuses.

Quelques Auteurs ont employé ce terme pour signifier aussi ce que nous appellons Université. L’Académie d’Oxford est si illustre, que son Chancelier est toujours un des premiers Seigneurs du Royaume. Larrey. Ce n’est pas parler assez juste. Il est vrai que M. Harris, dans son savant Dictionnaire des Arts, définit le mot Académie, une espèce de hautes Ecoles, ou Université, dans laquelle de jeunes gens sont instruits dans les Arts Libéraux & dans les Sciences ; mais il parle Anglois, & explique ce que signifie ce mot en Anglois. De même en Latin on appelle Académie, ce que nous appellons Université, & tout le VIII. livre de Lymnaeus de Academiis, regarde les Universités. Mais quand on écrit en François, il faut distinguer ces deux choses, qui dans notre langue sont fort différentes. Académie est une Assemblée de gens doctes, qui tiennent entre-eux des conférences sur des matières d’érudition. Université est un Corps composé de Docteurs, de Bacheliers qui aspirent au Doctorat, de Régens qui enseignent dans les Colléges, & de jeunes gens, ou Ecoliers qui étudient sous ces Régens. On peut cependant


appeler