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que produit Paris à la femme qui y arrive pour la première fois seule, et sans nulle recommandation. Si l’Étrangère a une personne qui soit venue la recevoir à son arrivée, cela diminue de beaucoup ses désagrémens ; mais si le contraire a lieu, ce qui n’arrive que trop souvent, lors de son arrivée dans le fameux hôtel d’Angleterre, elle sera reçue avec un certain air que nous ne saurions qualifier. Vous êtes sûr qu’on commencera par lui adresser ces mots : « Madame est seule (en pesant sur le mot seule) ; et, d’après sa réponse affirmative, on dira au garçon ou à la fille de la conduire dans la plus mauvaise chambre de la maison. Elle ne sera servie qu’après tout le monde, et Dieu sait de quelle manière ! Cependant on lui fera payer sa mauvaise chambre 10 fr. de plus qu’on ne l’eût fait payer à un homme. Pour tout le reste, il en sera de même, et cela se rencontre partout. Voilà pour les désagrémens physiques ; passons aux autres.

Si cette Étrangère reçoit chez elle un parent, un compatriote, un homme d’affaires, on jugera tout de suite, selon la charité chrétienne qui se pratique dans les hôtels garnis, que cette Étrangère vient à Paris avec de mauvaises intentions. La maitresse d’hôtel le craindra, les personnes qui habitent chez elle n’en douteront pas, et enfin les domestiques s’en rendront garans. Nous ne saurions dire d’où viennent tous ces usages qui existent dans presque tous les hôtels garnis ; mais ils sont exacts, et nous relatons ici les faits.

Voilà des douleurs communes à toutes les femmes qui voyagent seules ; mais nous devons maintenant les diviser en plusieurs classes, afin de pouvoir mieux étudier leur position respective toujours malheureuse.

Examinons d’abord la position des femmes qui entreprennent des voyages dans un but d’instruction et d’agrément. C’est dans cette classe-là surtout qu’on rencontrerait les femmes les plus distinguées et les plus intéressantes à posséder dans une ville comme Paris ; ce sont elles qui pourraient orner et enrichir la société, tant par les facultés qu’elles ont déjà, que par les bonnes manières et les moyens pécuniaires de la classe élevée à laquelle elles appartiennent ordinairement. Cependant, quel est l’accueil que reçoivent ces femmes ? Si elles sont recom-