Page:Tristan Bernard - Contes de Pantruche.djvu/88

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La petite femme n’avait rien de tout cela. Mais nous ferions certainement quelque chose pour elle. On lui paierait son voyage pour retourner dans sa famille et on lui laisserait prendre avec elle un certain nombre d’objets mobiliers.

— Faites bien attention ! nous dit un jurisconsulte. Tout n’est pas fini et vous n’avez pas encore l’héritage. S’il naissait un enfant posthume ?

— Le bonhomme était bien vieux, objectai-je.

— Mais la petite femme est jeune. Elle a dix mois devant elle pour s’adjoindre un petit héritier qui, sous l’œil ironique de la loi, s’appropriera les deux millions de Monsieur votre oncle.

Dès le lendemain, du matin jusqu’au soir, nous entourâmes de prévenances et d’une surveillance habile la tante Guêpier. De huit heures à minuit il y avait toujours quelqu’un de nous trois chez elle, en permanence. On lui offrait son bras, si elle voulait faire un tour de promenade. Et régulièrement, chaque nuit, nous faisions le guet à sa porte.

Aucun symptôme, heureux pour elle, alarmant pour nous, ne se révéla pendant les premières semaines. Aussi, au bout d’un mois et demi, nous relâchâmes-nous de notre surveillance. La tante allemande ne paraissait pas disposée à mal faire et, d’ailleurs, il était désormais difficile que l’enfant usurpateur arrivât dans les délais.