Page:Tristan Bernard - Contes de Pantruche.djvu/90

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lâches et évitait de sortir en taille. Mais nos calculs nous rassuraient : il n’arriverait pas à temps.

Neuf mois et demi se sont écoulés depuis la mort de l’oncle Guêpier, et les affaires de la succession se régularisent peu à peu. Nous allons, d’ici peu de temps, entrer en possession, et le Comptoir de la navigation s’installera en plein boulevard.

La tante allemande nous inquiète un peu. Elle est évidemment mal conseillée. Malgré sa grossesse, elle fait toutes sortes d’excentricités ; on a été jusqu’à dire qu’elle montait à bicyclette. Voudrait-elle, au péril de sa vie, hâter la venue de notre pseudo-cousin ?

Une vieille bonne à nous, que nous avons placée chez elle, nous envoie un jour un télégramme : « Madame Guêpier a été prise des douleurs ce matin. »

On arrive tous les trois rue d’Amsterdam. C’est par une lourde après-midi d’août. Dans la salle à manger de vieux chêne, un Allemand, maigre et barbu, est assis près de la table. Est-ce le frère, est-ce le cousin de notre tante ? Serait-ce l’ami complaisant qui est intervenu pour nous déposséder ? Nous nous saluons poliment. Chacun de nous s’assied dans son coin, et l’on attend.