Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/120

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L’ISÈRE.

Oui ! quand on le mendie, ou lorsque, illégitimes,
Les écus dans la main s’entassent par le vol ;
Mais ces procédés-là sont ignorés des cimes ;
Probité ! c’est la fleur de notre alpestre sol !

Et si quelqu’un s’incline ici, c’est le cortège
Des lointains voyageurs accourus jusqu’à nous,
Car nul ne peut monter au trône de la neige,
Sans commencer d’abord par plier les genoux ;

Et nul ne met le pied sur la terre où nous sommes,
Sans saluer très bas sa double royauté ;
Porteuse des grands monts, nourrice des grands hommes,
Ceux-ci faisant sa gloire, et ceux-là sa beauté.

Ne dédaigne donc plus les hommes, et leur œuvre ;
Car le monstre machine ou le monstre vagon,
Sait lutter de souplesse avec moi la couleuvre,
Sait lutter de vitesse avec toi le dragon.

Nous avons l’horizon ; mais l’homme a la Pensée.
Et quant aux quatre ponts dont plus haut tu parlais,
J’en porte plus que toi, sans en être blessée :
Sur mon corps onduleux ce sont des bracelets.

Car il est des colliers qui ne sont pas des chaînes.
Ami, plus d’égoïsme et plus d’orgueils étroits.
Science, Poésie et Nature : trois reines !
Qui veut les séparer les dessert toutes trois.