Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/134

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Gardant ces grappes sœurs aux beaux grains immortels,
L’élégiaque Esther, la royale Athalie ;
Et n’attendant plus rien du monde qu’il oublie,
Il meurt loin du théâtre et tout près des autels.


II

Le théâtre, aux autels, a repris le poète,
Et le laurier remonte au front découronné ;
Et depuis deux cents ans que sa bouche est muette,
En des milliers de voix ses vers ont résonné.

On dit que tu voulais, ô grande ombre bénie !
Jeter au feu ces vers voluptueux et doux,
Immolant d’un seul coup ton œuvre et ton génie,
Comme une double hostie offerte au Dieu jaloux.

Mais nous n’acceptons pas ton âpre sacrifice,
Car ta gloire est la nôtre… et toute main fermant
Le regard de ta Phèdre ou de ta Bérénice,
Éteindrait une étoile à notre firmament.

Car en te saluant, nous saluons la France,
Dont l’âme douce et fine, au miroir de tes vers,
— De tes vers purs de forme et profonds de souffrance —
Se penche avec amour et se voit au travers.