Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/135

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Corneille est loin de nous, aussi Romain qu’Horace ;
Son théâtre sublime est trop souvent d’airain ;
Mais toi, nous te sentons issu de notre race,
Un frère, un précurseur, presque un contemporain.

Car en peignant ton mal tu peins nos maladies,
Et jamais le public ne t’a mieux écouté,
Et dans ton magnifique écrin de tragédies,
Mieux vu ce diamant cruel : la Vérité !

Jamais plus qu’à cette heure où le siècle agonise,
La tristesse des cœurs n’a compris tes accents ;
Et jamais la Pitié, que ton vers divinise,
Ne mit sur nos douleurs baumes plus caressants.

Ah ! pour ce souffle humain dont ton œuvre est baignée,
Qui n’a rien de trop rude à nos frêles poumons,
Pour tes nerveux héros, élégante lignée,
Pour tes femmes surtout, Racine, nous t’aimons.

Pour tes femmes de chair aux tortures démentes,
Pour tes vierges aussi, citernes de douceurs ; —
Et par toi, celles-là nous deviennent amantes,
Et celles-ci, par toi, nous paraissent des sœurs.