Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/151

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RAOUL.

Raoul !Oh ! cet accent !

LOUISE.

Raoul ! Oh ! cet accent !Raoul !

RAOUL, avec un cri de joie involontaire.

Raoul ! Oh ! cet accent ! Raoul !Mon Dieu ! c’est elle !

LOUISE.

Oui, c’est moi, moi ta sœur, ta compagne fidèle,
Moi qui sous cet habit viens ici te chercher
Pour y mourir enfin… ou pour t’en arracher !

RAOUL, qui a retrouvé un peu de force et de volonté.

Ô ciel ! qu’ai-je entendu ? Mais savez-vous, Madame ?…

LOUISE, avec chaleur.

Oui, je sais que mon acte est sacrilège, infâme ;
Je sais qu’à toute femme est interdit ce lieu,
Et que, te reprenant, je te reprends à Dieu.
Ce que je sais aussi, c’est qu’il m’est impossible
De vaincre jusqu’au bout un amour invincible ;
C’est que portant au cœur d’âpres et longs regrets,
Loin de toi, je souffrais, je pleurais, je mourais ;
C’est qu’on proscrit l’amant, mais non pas sa pensée,
Et c’est qu’enfin du jour où ma bouche insensée
T’eut dit : « Ne me vois plus ! » je n’eus plus qu’un espoir,
Qu’un rêve, qu’un désir, qu’un projet : nous revoir.

RAOUL.

Nous revoir ! Mais pour nous ce seul mot est un crime.
Entre nous désormais s’est ouvert un abîme.