Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/155

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Regardons devant nous, regardons en arrière :
Que voyez-vous là-bas ? Votre époux, votre fils.
Et moi, devant mes yeux, que vois-je ?… Un crucifix.

LOUISE.

Un crucifix ?… Tes vœux sont-ils faits ? Et quand même
Ta bouche aurait juré quelque serment suprême,
Quand des liens sacrés t’enchaîneraient ici,
Tu peux bien les briser, puisque j’en brise aussi !

RAOUL.

Non ! des vœux absolus mon âme est libre encore,
Mais…

LOUISE, brusquement et précipitamment.

Mais……Mais de ce cachot partons avant l’aurore !
L’amour t’y renferma ; l’amour t’y vient chercher.
Si tu veux en sortir, qui peut t’en empêcher ?
Nul ne peut malgré toi disposer de ta vie.
Suis-moi : nul ne saura que tu m’auras suivie.
C’est moi qui sortirai d’abord ; puis, tu viendras
Pour quelque nid lointain m’emporter dans tes bras ;
Et libres tous les deux nous jetterons à terre,
Moi, ce masque emprunté, toi, cette robe austère ;
Et par d’autres pays, sous un ciel plus clément,
Ayant droit au bonheur après le long tourment,
Et sentant en leur sein leur angoisse endormie,
Le voyageur et sa mélancolique amie,
Dresseront une tente à leurs calmes amours…