Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/161

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Je sens que votre cœur est bon : pardonnez-nous.
Je profane ces lieux, vous pourriez me maudire,
Je le sais ; mais tenez, nous allons tout vous dire.
Le regret nuit et jour tous deux nous consumait ;
Le tendre souvenir de celle qu’il aimait
L’a suivi malgré lui sous ces voûtes austères ;
Et moi qui pressentais ses larmes solitaires,
Moi qui pleurant aussi souhaitais son retour,
Je viens vous le ravir pour le rendre à l’amour.
Quand le cœur doit céder sous le poids qui l’opprime,
L’amour n’est plus un mal.

LE PRIEUR, s’adressant à Raoul.

L’amour n’est plus un mal.Mais n’est-il pas un crime,
Lorsque des deux amants l’un, étant marié,
À de sacrés devoirs est pour jamais lié ?

RAOUL.

Marié ! qui vous dit ?

LE PRIEUR.

Marié ! qui vous dit ?Eh ! l’auriez-vous quittée ?
Dans l’éternel chagrin l’auriez-vous donc jetée ?
Auriez-vous déchiré votre cœur et le sien
Si cette femme était libre de tout lien ?
Non, non, si vous avez fui pour jamais la terre,
Ce n’était pas pour fuir l’amour, mais l’adultère.

Moment de silence général.
Vous vous taisez… hélas ! j’ai dit la vérité.
RAOUL.

Hélas ! dites aussi que nous avons lutté.