Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/208

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Vivre seul avec toi !… Mais non, un Dieu t’entraîne
Sous les drapeaux de Mars et les coups de l’airain ;
Et là te meurtriront, ma frêle souveraine,
Les Alpes ou le Rhin ?

Et tu souffres sans moi !… Que celle qui me laisse
Ait au moins son beau corps par le froid respecté !
De ses pieds délicats, que nul glaçon ne blesse
La tendre nudité !

J’irai… Sur les pipeaux du berger de Sicile,
Et dans le rythme doux de l’homme de Chalcis,
Je veux, docile amant, et disciple docile,
Moduler mes soucis.

J’irai… je graverai mes amours sur les chênes ;
Et vous croîtrez, amours, quand les chênes croîtront ;
Et les nymphes nouant leurs bras, riantes chaînes,
Dans leurs chœurs m’agréeront.

J’irai… fauve chasseur tuant la bête fauve,
Prenant son arc au Parthe, et sa flèche au Crétois ;
J’irai… mais à quoi bon ? de l’Amour rien ne sauve,
Ni les chants, ni les bois.

Le Dieu cruel se rit de notre humaine race ;
Et personne ne peut fléchir son cœur de fer,
Ni dans le Sud brûlant, ni dans la froide Thrace,
Ni l’été, ni l’hiver.