Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/43

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Toi qui vis l’âge d’or de l’ère évangélique,
Du sombre Golgotha le prélude idyllique ;
Car le drame ne vint qu’après la bucolique ;

Ô suave matin d’un midi si brûlant,
Qu’il dut te regretter, le martyr pantelant,
Sous les traits du soleil, archer étincelant,

Quand sur l’horrible croix de son sang arrosée,
Il cherchait, vainement, pour sa lèvre embrasée,
Comme un suprême don, la goutte de rosée ;

Et, lorsque se mourant, honni de tous, parmi
Le rire indifférent ou l’outrage ennemi,
Il se tournait vers toi, toi son premier ami !

Aussi tu m’es plus cher que le Calvaire même,
Car j’y vois le rachat, mais aussi l’anathème,
Et sur un peuple entier retomber son blasphème,

Car l’ombre lumineuse et douce du héros,
Ne saurait m’y cacher le spectre des bourreaux…
Mais nul forfait, ô lac, ne m’enlaidit tes eaux.

Nulle expiation ne planera fatale
Sur le calme vallon où ton sommeil s’étale.
Dors, car elle est en paix, ta couche orientale.

Sur ta robe d’azur pas de tache de sang ;
Dans tout ton horizon où le crime est absent,
Le cœur de Judas même est encore innocent.