Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/55

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Seul, ton triclinium a la porte assez haute
Pour accueillir l’esclave avec l’imperator ;
Comme les Antonins, ne fut-il pas ton hôte,
Cet Épictète, au cou portant la chaîne encor ?

Près des penseurs, venez, ô groupe des poètes,
Car vous aviez au cœur le riche floréal
Des divines amours, et c’est pourquoi vous êtes
Le bouquet désigné d’un banquet idéal.

Prends la place d’honneur que chacun te concède,
Sublime Homère, et vois la terre te bénir ;
Le philosophe encor a des fleurs pour l’aède,
Mais c’est pour t’honorer, non plus pour te bannir.

Vieux Corneille, sieds-toi tout près du vieil Eschyle,
Car vous montrez tous deux l’idéal du devoir,
Et mets-toi, doux Racine, auprès du doux Virgile ;
L’idéal de l’amour, tous deux le faites voir.

De quel lac virginal, de quelle chaste rive
Descend vers nous ce cygne au sillage ondoyant ?
Harmonieux passant, sur les flots il arrive :
Sa voix est d’un prophète et ses yeux d’un voyant.

C’est Lamartine… et nul parmi les fils de l’homme,
Prodiguant doublement ses dons aux malheureux,
De l’or matériel ne fut moins économe,
Et de l’or de son cœur ne fut plus généreux.