Page:Trollope - La Pupille.djvu/112

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— Grand dieu ! s’écria mistress Heathcote ; attendez-vous donc que je me sépare de mes enfants ?

— Je ne parle pas de ce que j’attends, mais de ce que je désirerais.

— Hélas ! continua mistress Heathcote en pleurant ; quoi, Sophie, vous auriez le cœur de les renvoyer, les pauvres petits ? mais en quoi vous gêneront-ils dans un si grand jardin ? Je consentirai à tout ce que vous voudrez, major, continua-t-elle en se tournant vers son mari ; mais pour quitter mes enfants, je ne le ferai jamais ! je mangerais plutôt du pain noir avec eux, que des ortolans sans eux à Thorpe-Combe. »

Sophie ne répondit rien à cet élan passionné de la bonne mère. Quant à sir Charles, il ne revenait pas de l’infamie de sa pupille ; mais le major reprit : « Vous ne pensez pas, Sophie, que, parce que M. Thorpe vous a mis par son testament dans l’obligation de rester avec nous, nous prétendions vivre à vos dépens ; je n’ai nullement l’intention de faire des économies chez vous, je compte au contraire vous remettre les cinq cents guinées que nous dépensons chaque année, et les ajouter à l’argent que je distrairai de vos revenus, pour faire aller votre maison. Vous voyez donc bien que je n’aurai pas plus qu’en ce moment le moyen de mettre mes enfants en pension, quand même votre chère tante y consentirait, ce qui n’arrivera jamais. »

Miss Martin Thorpe, après avoir écouté ce discours avec attention, répondit en se tournant vers le baronnet :

« Je vous prie d’être témoin, monsieur, que je jure ici de n’accepter en aucun temps l’offre que vient de me faire le major, et je vous prie en outre de dire si j’ai tort en refusant absolument de rien recevoir de lui ni de sa femme.

— Comme l’époque de la majorité de miss Martin