Page:Trollope - La Pupille.djvu/124

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— La nécessité rend ingénieux, reprit modestement Sophie.

— Et quel jour comptez-vous partir ? demanda le major, fronçant le sourcil et évidemment blessé du manque de confiance de sa pupille.

— Après-demain, répondit miss Martin Thorpe, qui sortit de la chambre sur ce dernier mot.

— Quelle étrange nature ! murmura le major ; il n’y a rien à reprendre dans tout ce qu’elle a fait, et pourtant je serais désolé que Florence en fît autant.

— Il y a quelque chose d’indélicat dans sa manière d’agir, répondit mistress Heathcote. Je me félicite de ne pas être sa gardienne, car je ne saurais que faire et que dire ; si encore ce qu’elle fait était vraiment mal, on pourrait la réprimander ; mais, tout en étant très-convenable, ce qu’elle arrange m’irrite et m’effraye pour l’avenir. Je ne me plaindrai jamais d’elle ; mais je suis bien heureuse que notre belle Florence ait au cœur une pensée qui lui donnera de la force et du courage : autrement, elle souffrirait trop auprès de sa cousine. »

Miss Martin Thorpe, après avoir fait comprendre à sa tante qu’elle partirait comme elle voudrait et qu’elle eût à ne pas amener de serviteurs avec elle à Combe, ne jugea pas à propos de lui dire qu’elle avait aussi retenu un intendant, qu’elle avait fait faire des caisses et comptait mettre Combe sens dessus dessous.

Au bout de quelques heures, elle revint près du major, qu’elle trouva seul, et lui dit avec assurance :

« J’ai entendu sir Charles vous dire que feu mon oncle avait de l’argent déposé chez MM. Smith et Jones, banquiers à Hereford. Sur les douze cents livres sterling qui y sont en ce moment, je vous prie de m’en faire donner six cent vingt-cinq. Je vous serai obligée de me remettre un mandat de cette somme sur ces messieurs. »