Page:Trollope - La Pupille.djvu/125

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Le major ne répondit pas ; il prépara immédiatement ce que demandait sa volontaire pupille, tout en pensant : « Quelle étrange fille que cette Sophie ! elle n’a jamais vu de mandat, elle n’a jamais eu d’argent, et elle en parle comme si elle avait passé sa vie entre des piles d’or et de billets. »

Malgré le mécontentement que lui faisaient éprouver les manières de sa pupille, le major reprit un air gracieux pour lui dire :

« Si vous avez quelques emplettes à faire avant votre départ, Sophie, et que vous désiriez de l’argent, je suis prêt à vous en prêter, mon enfant ; vous me rendrez cela à Combe.

— Je vous remercie, monsieur, répondit l’héritière ; je n’ai pas besoin de vous gêner en rien. »

Et en disant ces mots elle sortit vivement. La vérité est que Sophie avait en effet des objets à payer avant de partir ; mais elle ne voulait point avoir d’obligation à son oncle, et d’ailleurs elle avait encore les dix souverains que M. Thorpe lui avait donnés à Combe pour jouer le soir, et de plus cinquante schellings qu’il lui avait remis à la même époque.

« Ne sera-ce pas la dernière fois que cette fille-là me mettra à bout de patience ? s’écria le major en se retrouvant seul. En somme, qu’a-t-elle fait de mal ? Rien, et cependant j’aimerais mieux la voir commettre une grosse faute. Réellement, je commence à prendre un bien mauvais caractère ; je désirerais en être honteux, moi soldat et père de neuf enfants. »

Après ce monologue il se dirigea vers l’appartement de sa femme, qu’il trouva occupée à coudre.

« Ah ! Poppsy, lui dit-il, je viens vous prier de me gronder ; je suis vraiment furieux contre moi-même ; je vous assure, ma chère, qu’il y a cinq minutes, je me suis senti prêt à maltraiter Sophie, uniquement parce