Page:Trollope - La Pupille.djvu/18

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et resta plusieurs mois sans donner de ses nouvelles. Son père, qui était autrefois très-recherché dans le monde, se renferma dans la plus stricte solitude. Enfin il reçut une lettre de son fils ; celui-ci prétendait ne pas oser revenir, et demandait de l’argent pour parcourir le monde. Monsieur en envoya, et pendant plusieurs années il arrivait une lettre tous les six mois ; le vieillard devenait de plus en plus triste, jusqu’à ce qu’un jour il tomba dans un morne désespoir : son fils ne lui écrivait plus, et tout faisait supposer qu’il était mort à l’autre bout du monde. Le pauvre monsieur écrivit dans toutes les villes aux ministres et aux marguilliers, pour savoir si l’un d’eux avait connaissance qu’un jeune homme tel qu’il le dépeignait eût été enterré, et à quelle époque il était mort. On lui envoya un jour un acte de décès très-régulier, avec les détails de la mort de M. Cornélius et de ses dernières années. Vous voyez qu’il n’y avait plus moyen d’espérer le revoir jamais. Quant à son pauvre père, il est, ou je me trompe fort, bien avancé dans sa vie, et, avant que Noël revienne encore une fois, nous aurons, j’en ai peur, changé de maître et probablement de demeure. »

La vieille femme avait bien raison. Pendant quelques années M. Thorpe avait été soutenu par l’espoir de retrouver son fils ; mais, depuis qu’il avait acquis la certitude de sa mort, il se préparait à mourir à son tour tristement et sans affection ; cependant, malgré les chagrins qui l’avaient assailli, son caractère n’était point changé, et il était toujours resté empreint de douceur et d’indulgence.

Sir Charles Temple tint parole, et à cinq heures précises il arrivait à Combe avec un appétit effrayant, et rapportait les alouettes et les lapins promis. Le dîner, quoique servi plat à plat, était excellent. Sir Charles parla chasse et canards sauvages ; puis, après être rentré