Page:Trollope - La Pupille.djvu/31

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de Charles : « Mon ami, dit-il, offrez votre bras à miss Wilkyns, l’aînée de mes nièces ; les oncles et les cousins passeront comme ils voudront : car, excepté miss Wilkyns, la fille aînée de ma sœur aînée, je ne me reconnais plus dans tous ces enfants-là.

— Ils trouveront tous à se caser, s’ils ont aussi faim que moi, » murmura la bonne mistress Heathcote, avec volubilité ; mais tout à coup elle s’arrêta, car, dès l’entrée de la salle à manger, elle fut éblouie du luxe du service. En voyant cette vaisselle plate, ces candélabres, ces fleurs, ces glaces et ces objets de tout genre, elle ne put que s’écrier : « Grand Dieu ! quelle merveille ! quel dîner ! »

Cette admiration démesurée déplut excessivement à M. Thorpe, qui la trouva déplacée et de mauvais goût ; mais bientôt, se reprochant un mouvement de colère que chacun avait pu remarquer, il plaça la brave femme à côté de lui et résolut de faire excuser par ses prévenances pour elle un instant d’oubli.

M. Wilkyns, le géant, parut alors, tenant à lui seul toute la porte d’entrée ; puis venaient sir Charles Temple et miss Wilkyns, qui, quoique très-flattée d’avoir le bras du baronnet, en voulait à son rustre d’oncle d’avoir dit si haut qu’elle était l’aînée de ses nièces ; M. Spencer, qui avait offert la main à miss Eldruda Wilkyns, quoiqu’elle ne fût pas la mieux de la société ; master Bentinck et Montagu Spencer collés contre leur père ; enfin miss Wilkyns, la mieux des trois, marchait seule, suivie d’Algernon, qui tenait Florence par la main, et du major, qui fermait la marche avec Sophie Martin.

Les manières communes et le sans-gêne de ses hôtes faisaient un tel contraste avec les habitudes des personnages qu’il recevait autrefois, que M. Thorpe ne savait s’il devait rire ou se fâcher. Cependant ses yeux ayant rencontré le regard joyeux de sir Charles, le vieux