Page:Trollope - La Pupille.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gentilhomme sourit gaiement à son ami et, prenant courageusement son parti de ce qui l’avait d’abord blessé, il chercha à placer ses convives plus convenablement qu’ils ne l’eussent fait eux-mêmes. Soit parce qu’il trouvait une grande ressemblance entre elle et son fils, soit pour une autre raison, M. Thorpe plaça Sophie Martin auprès de lui.

« Grand Dieu ! s’écria mistress Heathcote pendant que la jeune fille s’asseyait les yeux baissés, vous auprès de M. Thorpe ! vous, Sophie ! quel bonheur ! et que diront les demoiselles Wilkyns ?

— J’espère, chère tante, que cela ne les contrariera pas, répondit doucement la jeune fille, tout en se levant de sa place.

— Pourquoi cela les contrarierait-il, mon enfant ? interrompit M. Thorpe ; asseyez-vous près de moi, que je puisse voir vos jolis cheveux bouclés. »

Pendant la soupe et le poisson, M. Thorpe et sir Charles profitèrent de la grande clarté pour examiner un peu la société qu’ils n’avaient fait qu’entrevoir. Ces deux amis jugèrent de même et ne différèrent que sur le compte de Sophie Martin, que sir Charles trouvait la plus laide de toutes… après l’aînée des demoiselles Wilkyns, et que M. Thorpe trouvait la plus jolie après Florence Heathcote qui, n’ayant plus ni voile ni chapeau, paraissait vraiment d’une beauté incontestable. Mais celle-ci, étant engagée dans une profonde conversation avec son frère Algernon, n’était vue qu’imparfaitement par les deux gentlemen.

Dans le courant du dîner, la conversation devint plus animée et plus intéressante. M. Spencer fit observer à sa voisine miss Eldruda Wilkyns que le froid durerait longtemps, ce à quoi elle lui répondit qu’elle en était désolée, car cela lui était pernicieux. Algernon disait à sa sœur, assez haut pour qu’on l’entendît à l’autre bout