Page:Trollope - La Pupille.djvu/71

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tibule et se retira dans sa chambre, de sorte que Florence et sir Charles furent laissés seuls.

La jeune fille n’avait jamais pensé à l’amour ; elle ignorait la coquetterie, et elle était toujours restée plus enfant que son âge ne le comportait : aussi ne s’effraya-t-elle pas en se retrouvant en tête-à-tête avec le baronnet. « Eh bien, allons à pied à la cascade, » allait-elle dire étourdiment, quand l’air froid et embarrassé de sir Charles l’arrêta et lui fit supposer qu’il était vexé de ce tête-à-tête et qu’il préférait rester avec les messieurs.

Aussi s’écria-t-elle immédiatement et en se levant pour sortir : « Il faut que j’aille chez Algernon ; il doit me croire perdue !

— Je pense qu’il est au billard, miss Heathcote ; je vais y aller et vous l’envoyer, si vous le désirez.

— Merci, sir, » répondit Florence ; puis se rappelant les conseils du matin, elle ajouta : « Charles, » si doucement et en rougissant si gracieusement, que le jeune homme s’aperçut en tressaillant que son nom ne lui avait jamais paru si joli ni si bien dit.

Dès qu’il fut sorti, Florence, regretta de l’avoir prié de dire à son frère de venir la rejoindre au salon : car le soleil dorait les allées sablées et les arbres effeuillés du jardin, et elle brûlait du désir de sortir ; enfin, espérant que son frère l’apercevrait par la fenêtre vitrée, elle s’élança dans le jardin sans chapeau ni manteau.

Une des fenêtres du billard donnait sur ce coin du jardin, et, après une longue partie avec M. Spencer et le major, M. Thorpe s’était un instant appuyé contre les vitres.

« Dites donc, major, s’écria-t-il, voilà votre fille qui court dans le jardin, sans chapeau et sans châle ; ne craignez-vous pas qu’elle ne prenne froid ? »