Page:Trollope - La Pupille.djvu/82

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sa chambre et se plaça juste en face du portrait de son fils ; puis tout à coup il sonna, et mistress Barnes parut devant lui.

« Regardez, Barnes, regardez bien le portrait de mon fils, et dites-moi qui de tous mes parents rassemblés chez moi ressemble le plus à mon malheureux enfant. Regardez bien. »

Mistress Barnes aurait bien répondu : « Aucun. » Mais craignant de déplaire à son maître, elle répondit après une longue réflexion : « À mon avis, monsieur, s’il y a quelque ressemblance, c’est avec l’aîné des jeunes Spencer.

— C’est bien, sortez, répondit durement le vieillard ; retournez à vos fourneaux. »

Quand il se retrouva seul, M. Thorpe s’écria en regardant toujours l’image de son fils :

« Fou que je suis ! j’allais me quereller avec cette pauvre Barnes, parce qu’elle ne sent pas comme moi ! Pauvre orpheline, on la plaint, mais on ne l’aime pas ! Chère, gentille, humble et charmante Sophie ! elle n’est pas si jolie que la ravissante Florence, ni si élégante que les misses Wilkyns ; mais quel cœur, quelle âme ! La dernière sera la première, a dit l’Écriture, » murmura-t-il en souriant tendrement et en essuyant de grosses larmes qui coulaient de ses yeux.

Puis ayant fait prévenir les dames qu’il était l’heure de retourner à l’église, il sortit bientôt à la tête de la société, ayant miss Martin appuyée sur son bras.

Quand sir Charles rejoignit Algernon dans la bibliothèque, il le trouva plongé dans la lecture du Paradis perdu.

« Si j’avais pu savoir, lui dit le jeune homme, tout le bonheur qui m’attendait ici, j’y serais venu de bien meilleure grâce, notre voiture eût-elle été encore plus mauvaise et le froid plus vif.