Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/83

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— Il y a la littérature. Mais la littérature, la plus noble des occupations pour les loisirs d’un homme, me semble, comme métier, un esclavage.

— Je le croirais volontiers. Tu n’as jamais entendu parler du commerce, je suppose ?

— Le commerce ? oui, j’en ai entendu parler. Mais je ne pense pas avoir le génie nécessaire.

Le vieux Bertram regarda son neveu comme s’il n’était pas bien sûr qu’on ne se moquait pas de lui.

— Le genre de génie qu’il faut, veux-je dire, ajouta George.

— C’est possible. Ton génie serait plus porté à disperser qu’à réunir, peut-être.

— Cela se pourrait bien, mon oncle.

— Et je pense que tu n’as jamais ouï dire qu’un jeune homme qui a été… comment appelles-tu cela ? qui a été double-premier, se soit mis derrière un comptoir. Quelle sorte de gens sont les doubles-derniers, je voudrais bien le savoir ?

— Ce sont eux, je crois, qui se mettent derrière les comptoirs, dit George, qui n’entendait point que son oncle eût le monopole de la raillerie.

— Vraiment, monsieur ! Mais je pense qu’ils ne sont pas les derniers quand il s’agit de vivre. Le succès en ce monde ne s’obtient pas à force de vers grecs, quel qu’en soit le nombre. En eût-on une cargaison, on ne pourrait pas l’échanger contre ce verre de vin sur aucun marché du globe.

— Le commerce est une belle chose, dit George d’un ton convaincu.