Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/113

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n’avez pas de regrets du moins ? J’espère que vous êtes persuadée que je ferai mon possible, tout mon possible pour vous rendre heureuse.

— Oui, sans doute, je crois cela. Nous devons chercher à nous rendre la vie agréable l’un à l’autre. Après tout, je pense que c’est là l’essentiel en ménage.

— Je ne m’attends pas, Caroline, à ce que vous m’aimiez avec passion, pas encore, du moins.

— Non. Il ne faut nous attendre ni l’un ni l’autre à cela, sir Henry. L’amour passionné ne dure pas longtemps, je crois, et fait bien souffrir pendant qu’il dure. Une mutuelle estime lui est infiniment préférable.

— Mais, Caroline, je tiens à ce que vous croyiez à mon amour.

— Et j’y crois, je vous assure. Sans cela, pourquoi m’épouseriez-vous ? J’ai trop bonne opinion de moi pour être surprise que vous m’aimiez. Mais l’amour, chez vous comme chez moi, devra être désormais subordonné à d’autres passions.

L’allusion au passé renfermée dans ce mot « désormais » n’était pas précisément du goût de sir Henry ; mais il la subit sans sourciller.

— Vous savez si bien l’histoire de ces trois dernières années, continua Caroline, que je ne pourrais pas vous tromper, en supposant que je le voulusse. D’ailleurs, je crois pouvoir affirmer, telle que je me connais, que je n’aurais jamais, en aucun état de cause, tâché de le faire. J’ai aimé une fois, et il n’en est résulté rien, de bon. Cela était contraire à ma nature, d’aimer —