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Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/115

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les yeux de la mémoire et vit qu’elle satisfaisait en tout point aux exigences de son goût. Personne ne pouvait nier qu’elle ne fût extrêmement belle, et qu’elle ne fût à l’apogée de sa beauté — beauté de déesse qui devait persister pendant longtemps, en dépit des années, car elle ne tenait pas à la grâce de la jeunesse et à une éphémère fraîcheur ; elle ne venait pas de l’éclat du regard ni du coloris des joues. Les lignes du visage étaient, à la fois, sévères et admirablement gracieuses. Ce n’était pas lorsqu’elle souriait qu’elle plaisait le plus, et elle ne charmait pas seulement quand elle parlait, bien que dans l’animation sa physionomie fût très-belle. Elle avait la perfection sculpturale du marbre. Même sir Henry Harcourt, même un jeune solliciteur général, n’eût pas facilement rencontré une beauté mieux faite pour régner dans un salon.

Et puis, elle avait cet air d’élégance mondaine qui semble posséder le secret du dédain, et auquel sir Henry attachait un si grand prix — cet air qui aux yeux de George Bertram avait été presque un défaut !

Chez Caroline, comme chez bien d’autres femmes, cette qualité était plus apparente que réelle. Elle n’avait guère vécu dans le grand monde, et ne savait point dédaigner ses pareilles, les femmes de Littlebath, les Todd et les Adela Gauntlet ; mais, à son air, on l’en aurait crue capable. Or, il était bon que la femme d’un solliciteur général eût cet air-là.

Sir Henry pensa ensuite au coffre-fort de M. Bertram. Ah ! s’il eût pu connaître ce secret-là, sa décision eût été vite prise ! Il savait bien que le vieillard s’était