Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/15

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« Chère, chère Caroline, j’ai peur qu’en cette affaire vous n’ayez eu tort sous tous les rapports. Je ne crains pas de vous fâcher en disant cela. Malgré tout ce que vous me dites, vous avez le cœur trop généreux pour ne pas m’en vouloir si je blâmais M. Bertram. Vous avez eu tort de vous confier comme vous l’avez fait à M. Harcourt ; vous avez eu doublement tort de lui montrer la lettre. S’il en est ainsi, n’est-il pas de votre devoir de réparer vos fautes, de remédier au mal qui en a résulté ?

« Je suis persuadée que M. Bertram vous aime de tout cœur, et qu’il est homme à être profondément malheureux d’avoir perdu ce qu’il aime. Il importe peu que ce soit lui qui vous ait quittée. Vous connaissez son caractère ; même moi, je le connais assez pour me rendre compte de l’état d’esprit dans lequel il devait être lors de sa dernière visite. Posez-vous la question que voici : si vous lui eussiez demandé votre pardon, ne vous l’aurait-il pas accordé avec transport ? Ne savez-vous pas que, même en ce moment-là, il ne demandait qu’à pardonner ? Et devez-vous permettre, vous qui l’avez offensé, qu’il ait le cœur brisé parce que vous êtes trop orgueilleuse pour reconnaître vis-à-vis de lui une faute que vous avouez avoir commise ? Est-ce ainsi que vous le payez de l’amour qu’il vous a donné ?

« Vous voudriez, dites-vous, qu’il m’eût aimée au lieu de vous ? Ne souhaitez donc pas d’avoir ignoré le plus grand bonheur que Dieu puisse accorder ici-bas à une femme ! Je n’aurais pas pu l’aimer, moi, et il est