Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/17

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suis sûre que mademoiselle Baker pourrait se passer de vous pendant quinze jours. Venez, venez près de

« Votre véritable amie,
« Adela. »


Cette lettre d’Adela Gauntlet ne manquait pas d’habileté ; mais si la ruse est jamais pardonnable, elle l’était en cette occasion. Adela avait écrit comme si elle ne pensait absolument qu’à Bertram ; car elle sentait qu’elle n’avait que ce moyen-là de persuader son amie. Elle croyait fermement, puisque Caroline et Bertram s’aimaient, qu’ils ne pourraient être heureux si l’on ne parvenait à les réunir. Comment s’y prendre pour cela ? C’est à ce point de vue, et dans ce seul but qu’elle avait écrit sa lettre si pleine de ruse et d’habileté féminines.

Elle atteignit presque le but, — presque, mais pas tout à fait. Caroline se renferma chez elle, et versa toutes les larmes de son cœur sur cette lettre. Elle s’efforça vaillamment de suivre le conseil de son amie, en dépit de ses premières protestations. Elle s’assit, la plume à la main, pour écrire sa lettre d’humiliation, mais la lettre ne s’écrivait pas. C’était impossible ! les mots ne venaient pas. Caroline lutta pendant deux jours, puis elle renonça à une entreprise qui était au-dessus de ses forces. Alors elle écrivit la petite lettre que voici :

« Je ne puis le faire, Adela. Ceci n’est pas dans ma nature. Vous le pourriez, vous, parce que vous êtes bonne, noble, honnête. Ne jugez pas des autres d’après vous-même. Je ne puis pas écrire cette lettre, et je ne