Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/229

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comme s’il n’eût pas entendu les dernières paroles d’Adela. Mais si cela est, la folie est sienne.

— S’il est imprudent, est-ce une raison pour que vous ne soyez pas sage ?

— Mais que redoutez-vous, Adela ? Quel mal peut-il en résulter ? Craignez-vous pour moi, pour elle, ou pour Harcourt ?

— Je ne redoute aucun mal, aucun véritable mal. Mais ne pensez-vous pas que de tout ceci il peut résulter du chagrin ? Vous semble-t-il qu’elle soit heureuse ?

— Heureuse ! qui de nous est heureux ? Qui de nous n’est pas entièrement malheureux ? Elle est aussi heureuse que vous ; et sir Henry, j’en suis persuadé, est aussi heureux que moi.

— Vous me faites injustice ; quant à moi, monsieur Bertram, je ne suis point malheureuse.

— Non, vraiment ? Alors je vous fais mon compliment d’avoir su ainsi vous délivrer des peines qui accompagnent la sincérité de cœur.

— Je ne voulais pas parler de moi. J’ai des soucis, des regrets et des chagrins, comme à peu près tout le monde, mais je n’ai pas de douleur inconsolable.

— Alors, vous avez de la chance ; voilà tout ce que je peux dire !

— Mais Caroline, elle, n’est, point heureuse, je le vois ; et je crains fort qu’en venant ici, vous n’augmentiez pas ses chances de bonheur.

Adela dit ainsi son petit mot avec les meilleures intentions du monde. Mais peut-être fit-elle plus de mal