Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/295

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Nous ne nous arrêterons pas à Suez, et je n’y conduirais pas mes lecteurs, même pour un seul jour, — tant c’est un endroit triste et ennuyeux, — si notre héros n’y avait fait une rencontre qui, pendant un certain temps, parut destinée à exercer une grande influence sur son avenir.

Suez est, il faut en convenir, un endroit singulièrement déplaisant et misérable. C’est une petite ville orientale que l’Europe a déjà envahie, et qui est en train d’être anglicisée à l’heure qu’il est. Elle n’est pas aussi corrompue qu’Alexandrie, et elle ne tombe pas en ruines comme le Caire ; mais elle n’a ni eau, ni air, ni verdure. Aucun arbre n’y pousse, aucune rivière n’y coule. On y boit de la saumure et on y mange des chèvres, et le thermomètre y marque vingt-huit degrés à l’ombre en plein hiver. Les oranges sont le seul luxe qu’on y trouve. Il y a un immense hôtel, qui contient de longues rangées de cellules étouffantes, et une vaste cave où tout le monde mange. Un certain intérêt historique s’attache à cette localité qui fut le lieu de passage de Pharaon à travers la mer Rouge, mais sa prospérité future sera le résultat d’un transit d’un tout autre genre. Le passage des Anglais qui vont dans l’Inde et qui en reviennent fera même de Suez une ville importante.

Nos amis y rencontrèrent le flot de voyageurs qu’amenait la malle de l’Inde. Le bateau de Calcutta arriva pendant leur séjour ; et soudain toutes les petites cellules furent occupées, et la grande cave, qui servait de salle à manger, se trouva pleine d’enfants gâtés avec