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Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/297

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sieurs à la tournure militaire placés à l’autre côté de ces dames. Il était évident que les deux messieurs étaient, ou avaient été, avec elles sur un pied d’intimité, car ils offraient à voix basse les différents plats et cherchaient à nouer des entretiens confidentiels. Mais leurs offres de service étaient rejetées, et toutes leurs tentatives d’intimité échouaient. Ces dames préféraient faire remplir leurs assiettes et leurs verres par les deux étrangers, tournaient discourtoisement le dos à leurs anciens amis, et se montraient tout à fait indifférentes aux nuages qui obscurcissaient ces deux physionomies martiales.

Car, il faut le dire, le front du major Biffin ainsi que celui du capitaine Mac Gramm se chargeaient de nuages à vue d’œil. Tous deux ils avaient approvisionné les assiettes et rempli les verres de ces dames depuis leur départ de Calcutta ; ils s’étaient promenés tous les jours avec elles sur le pont ; ils leur avaient cherché des chaises, ils avaient ramassé leurs mouchoirs et ils avaient veillé à ce qu’elles eussent leur tiffin[1], — le tout avec une assiduité et une persévérance qui ne laissaient pas d’avoir leur mérite dans les latitudes tropicales. Et voilà qu’ils se trouvaient tout à coup évincés par deux Anglais errants, — deux pékins qui n’avaient jamais bu un verre de sang-gris, et qui ne s’étaient jamais assis sous un punkah !

La chose était bien faite pour déplaire au major

  1. Nom que les Anglo-Indiens donnent au repas que les Anglais nomment lunch.