Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/78

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— L’aimer ! répéta George d’un ton dédaigneux. Vous ne la connaissez pas. À quoi bon aimer ?

— Ah ! ne soyez pas si sévère. Vous surtout, vous ne devez pas l’être pour elle.

— Non, je ne serai pas sévère ; au contraire, je serai indulgent. Et étant indulgent, je vous répète : à quoi bon aimer ? De quelque façon que vous envisagiez la chose, il est évident qu’elle ne peut pas l’aimer.

— Elle ne peut pas l’aimer ? Et pourquoi donc ?

— Comment cela serait-il possible ? Si elle m’avait aimé, m’aurait-elle quitté et pris un autre, le tout dans l’espace de deux mois ? Et si elle ne m’a jamais aimé, moi, si pendant deux ans elle a pu agir comme elle l’a fait sans m’aimer, quelle raison avez-vous de croire qu’elle éprouve maintenant le besoin d’aimer ?

— Mais vous, vous l’aimiez et vous avez pu cependant rompre avec elle.

— Oui, j’ai pu le faire ; je l’ai fait, et si c’était à recommencer, je le ferais encore. Oui, je l’ai aimée. Oui, si je comprends l’amour, si je sais ce que c’est qu’aimer, je puis dire que je l’ai aimée de toute mon âme. Et cependant, — je ne dirai pas que je l’ai repoussée, ce ne serait ni bienséant ni vrai — je l’ai laissée me quitter.

— Vous avez fait plus que cela, monsieur Bertram.

— J’ai offert de lui rendre sa parole. Elle l’a reprise et elle a eu raison, puisque ses sentiments avaient changé. Je n’ai fait que cela.

— Les femmes, monsieur Bertram, savent fort bien que, lorsqu’elles seront mariées, il leur faudra savoir supporter avec douceur un mot blessant ; mais les mots