il n’en avait cure !… mais les tombeaux !… Au fait, celui que nous lui offrons aujourd’hui n’est qu’un monument à sa gloire. Sa mémoire seule est ici il repose ailleurs dans une sépulture de famille de ce même cimetière, et il ne pouvait interdire à la postérité de rendre hommage à ses mânes, et de les apaiser en quelque sorte. Son amour du néant n’allait pas jusque là.
J’ose croire, l’ayant assez fréquenté pour cela, que sa pensée serait reconnaissante de cette tardive justice qui vient à point pour rendre son verdict, puisqu’elle n’est pas le résultat d’un engouement éphémère et qu’elle a eu le temps de mûrir depuis 1867. Baudelaire, s’il nous voyait, s’il nous entendait, — on peut toujours le supposer ! — ne ferait pas cette grimace significative que surprit un observateur attentif sur son visage glabre et nerveux d’homme du xviiie siècle, qu’il tenait évidemment de son père. Il était ce jour-là au tribunal de la pénitence, devant ses juges qui plaidaient le pour et le contre, et qui condamnèrent les meilleures pièces de son poème. Le mot de réalisme était alors à la mode il en faut toujours un pour désigner vaguement tout art nouveau, qui se cherche. Il n’échappa point à l’accusation banale, un ami le lui avait prédit avant l’audience il s’en était défendu. Ses traits se contractèrent quand le juge lui décocha le terrible mot à la barre, en pleine poitrine. Ce qui l’irritait, ce qui l’horripilait, ce n’était point d’être confondu avec des écrivains et des artistes, dont il appréciait les tentatives nouvelles, mais de se voir classé, étiqueté, lui qui voulait, au contraire, être seul ! Voilà la caractéristique de son talent, s’isoler et se frayer une conquête à part, comme l’a dit Sainte-Beuve, « à la pointe extrême du Kamtchatka romantique. » C’est ce que le critique des Lundis appelait, en 1862, la folie Baudelaire, dans un article où il plaidait finement les titres et les droits du poète à se présenter à l’Académie car Baudelaire eut cette velléité et il fit ses visites. Les malins se demandèrent si c’était encore une mystification ; on