Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/206

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toutes les nations. Mais cette valeur relative de l’or et de l’argent varie suivant l’abondance ou la rareté relative de ces deux métaux chez les différentes nations.

Si, dans une nation, il y a treize fois plus d’argent qu’il n’y a d’or, et qu’en conséquence on donne treize marcs d’argent pour avoir un marc d’or, on donnera quatorze marcs d’argent pour un marc d’or chez une autre nation où il y aura quatorze fois plus d’argent qu’il n’y a d’or. Il suit de là que si, pour déterminer la valeur des monnaies de compte de deux nations où l’or et l’argent n’ont pas la même valeur relative, pour évaluer, par exemple, la livre sterling en livres tournois, on emploie pour terme de comparaison les monnaies d’or, on n’aura pas le même résultat que si l’on se fût servi des monnaies d’argent. Il est évident que la véritable évaluation se trouve entre ces deux résultats ; mais, pour la déterminer avec une précision entièrement rigoureuse, il faudrait faire entrer dans la solution de ce problème une foule de considérations très délicates. Cependant, le commerce d’argent de nation à nation, toutes les négociations relatives à ce commerce, la représentation de la monnaie par les papiers de crédit, les opérations du change, des banques, supposent ce problème résolu.

Le mot de monnaie, dans son sens propre, originaire et primitif, qui répond exactement au latin moneta, signifie une pièce de métal d’un poids et d’un titre déterminés et garantis par l’empreinte qu’y a fait apposer l’autorité publique. Rapporter le nom, désigner l’empreinte, énoncer le poids et le titre de chaque monnaie des différentes nations en réduisant ce poids au poids de marc, c’est tout ce qu’il y a à faire pour donner une idée nette des monnaies considérées sous ce premier point de vue.

Mais l’usage a donné à ce mot de monnaie une acception plus abstraite et plus étendue. On divise les métaux en pièces d’un certain poids ; l’autorité ne garantit leur titre par une empreinte que pour qu’on puisse les employer d’une manière commode et sûre dans le commerce, pour qu’ils y servent à la fois de mesures des valeurs et de gage représentatif des denrées ; il y a plus, l’on n’a songé à diviser ainsi les métaux, à les marquer, à en faire, en un mot, de la monnaie, que parce que déjà ces métaux servaient de mesure et de gage commun de toutes les valeurs.

La monnaie n’ayant pas d’autre emploi, ce nom a été regardé