Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/743

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tives que le Limousin a essuyées en 1770 et en 1771, il est encore menacé d’en essuyer une non moins cruelle en 1772. Nous lui en avons mis les détails sous les yeux, et ils ont fixé son attention, puisque la province a déjà ressenti l’effet des bontés paternelles du roi par les secours qu’il a bien voulu accorder pour faciliter les approvisionnements. Nous observerons seulement qu’à ne s’arrêter même qu’au vide des récoltes, indépendamment de toute autre considération, la situation de la province sera plus fâcheuse en 1772 qu’en 1771. La récolte est en général beaucoup moindre qu’en 1770, même dans la partie de la Montagne, où cependant la misère a été portée à l’excès. Dans le plat pays du Limousin, la châtaigne pourra remplacer en partie la différence d’une année à l’autre ; mais l’Angoumois, qu’une récolte passable en froment et abondante en blé d’Espagne avait sauvé de la disette en 1770, souffrira beaucoup et peut-être autant qu’en 1769. La médiocrité de la modération accordée sur les impositions de 1771, et l’excès des maux qui accablaient le canton de la Montagne, n’ont pas permis de faire participer l’Angoumois à cette modération, malgré l’épuisement où la disette de 1770 avait jeté les peuples ; mais cette année il aura des droits trop bien fondés, et auxquels nous espérons qu’on ne voudra pas se refuser.

L’état des récoltes de cette année sollicite puissamment les bienfaits de Sa Majesté en faveur d’une portion si malheureuse de ses sujets. Combien ce motif n’acquiert-il pas de force, lorsque l’on considère que cette disette vient à la suite de deux autres consécutives, dont la première avait suffi pour épuiser toutes les ressources, toutes les épargnes antérieures, tous les moyens de subsister pour les pauvres en vendant leurs bestiaux, leurs meubles, jusqu’à leurs vêtements, tous les moyens pour les habitants d’une fortune médiocre de soulager les plus malheureux ! Car enfin, avec quoi pourront payer des impositions ceux qui n’ont pas de quoi subsister eux-mêmes ?

Nous avions développé toutes ces considérations de la manière la plus forte, soit dans notre Avis de l’année dernière, soit dans une lettre particulière que nous avons eu l’honneur d’écrire à M. le contrôleur-général le 9 mars 1771. Nous ne répéterons point les détails dans lesquels nous entrâmes alors, mais nous osons dire qu’ils méritent toute son attention, et nous le supplions de vouloir bien se les faire représenter. Nous en rappellerons seulement quel-