miers, moyennant un salaire convenu. Telle est la véritable origine de la distinction entre les entrepreneurs ou maîtres, et les ouvriers ou compagnons, laquelle est fondée sur la nature des choses, et ne dépend point de l’institution arbitraire des jurandes. Certainement ceux qui emploient dans un commerce leurs capitaux ont le plus grand intérêt à ne confier leurs matières qu’à de bons ouvriers ; et l’on ne doit pas craindre qu’ils en prennent au hasard de mauvais, qui gâteraient la marchandise et rebuteraient les acheteurs. On doit présumer aussi que les entrepreneurs ne mettront pas leur fortune dans un commerce qu’ils ne connaîtraient point assez pour être en état de choisir les bons ouvriers, et de surveiller leur travail. Nous ne craindrons donc point que la suppression des apprentissages, des compagnonnages et des chefs-d’œuvre expose le public à être mal servi.
Nous ne craindrons pas non plus que l’affluence subite d’une multitude d’ouvriers nouveaux ruine les anciens, et occasionne au commerce une secousse dangereuse.
Dans les lieux où le commerce est le plus libre, le nombre des marchands et des ouvriers de tout genre est toujours limité et nécessairement proportionné au besoin, c’est-à-dire à la consommation. Il ne passera point cette proportion dans les lieux où la liberté sera rendue. Aucun nouvel entrepreneur ne voudrait risquer sa fortune, en sacrifiant ses capitaux à un établissement dont le succès pourrait être douteux, et où il aurait à craindre la concurrence de tous les maîtres actuellement établis, jouissant de l’avantage d’un commerce monté et achalandé.
Les maîtres qui composent aujourd’hui les communautés, en perdant le privilège exclusif qu’ils ont comme vendeurs, gagneront comme acheteurs à la suppression du privilège exclusif de toutes les autres communautés. Les artisans y gagneront l’avantage de ne plus dépendre, dans la fabrication de leurs ouvrages, des maîtres de plusieurs autres communautés, dont chacune réclamait le privilège de fournir quelque pièce indispensable. Les marchands y gagneront de pouvoir vendre tous les assortiments accessoires à leur principal commerce. Les uns et les autres y gagneront surtout de n’être plus dans la dépendance des chefs et officiers de leur communauté, et de n’avoir plus à leur payer des droits de visite fréquents, d’être affranchis d’une foule de contributions pour des dépenses inutiles ou