Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/341

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Sa Majesté a reconnu que le feu roi s’était occupé de chercher les moyens de parvenir à approvisionner ses salines sans laisser subsis-

    grande ville. Ces règlements, que la nécessité seule a fait admettre, ont été utiles dans tous les temps, et malgré le défaut de liberté, la ville de Paris n’a éprouvé de disettes réelles que celles qui ont été occasionnées par les refus de la terre. La liberté, au contraire, depuis qu’elle est établie, a vu plus d’une époque où le pain a été porté au-dessus des facultés du pauvre et de l’indigent ; et, nous ne craignons pas de le déposer dans le sein paternel de Sa Majesté, c’est la cessation des règlements qui a toujours été l’occasion ou la cause des plus grands désordres.

    « Abandonner la subsistance de votre capitale aux spéculations des commerçants, c’est abandonner la certitude du présent pour un avenir incertain ; c’est s’exposer à manquer de nourriture pour les citoyens, car il faut que le peuple voie des provisions ; et que deviendrait cette multitude innombrable de journaliers, qui ne trouve ses aliments que dans le fruit du travail de leurs mains, si le défaut de denrées dans les marchés pouvait les alarmer sur la certitude de la subsistance du lendemain ? Quel effroi cette inquiétude seule n’est-elle pas capable de jeter dans les esprits ! quelle confusion si elle allait se réaliser ! Nous ne craignons point d’en offrir le tableau à un monarque dont nous connaissons la sensibilité, et nous nous faisons gloire d’alarmer votre tendresse pour les malheureux. Le bien public sera toujours l’objet de toutes nos démarches. Nous pouvons nous féliciter nous-mêmes de chercher en toutes occasions de concourir avec Votre Majesté à la félicité publique. Nos vœux et les remontrances respectueuses de votre parlement n’ont d’autres motifs que le bonheur du peuple, dont Votre Majesté est sans cesse occupée. C’est avec la douleur la plus amère que nous avons vu Votre Majesté répandre des nuages sur notre fidélité. Il semble que l’on a cherché à la rendre suspecte, et la réponse de Votre Majesté semble l’annoncer. Eh bien, sire, recevez le serment que nous venons réitérer au pied du trône, de ne consulter jamais que votre gloire et vos intérêts ; et c’est cette fidélité même que nous vous jurons de nouveau, qui nous force à requérir que, sur la déclaration dont la lecture vient d’être faite, et soit mis qu’elle a été lue et publiée, Votre Majesté séant en son lit de justice, et registrée au greffe de la cour pour être exécutée selon sa forme et teneur. »

    Ensuite M. le garde des sceaux, monté vers le roi, ayant mis un genou en terre pour prendre ses ordres, a été aux opinions à Monsieur, à M. le comte d’Artois, etc. (Le surplus n’est que la répétition de la formule finissant par ces mots : ce qui a été exécuté à l’instant. — Supra, p. 330.)

    Ensuite M. le garde des sceaux étant monté vers le roi, agenouillé à ses pieds pour prendre ses ordres, descendu, remis à sa place, assis et couvert, a dit :

    « Messieurs, le roi a jugé à propos de donner un édit portant suppression des offices qui avaient été créés dans les halles, sur les quais et sur les ports de la ville de Paris. Sa Majesté ordonne qu’il en soit fait lecture par le greffier en chef de son parlement, les portes ouvertes. »

    Me Paul-Charles Cardin le Bret, greffier en chef, s’étant approché de M. le garde des sceaux pour prendre de sa main l’édit, remis en sa place, debout et découvert, en a fait la lecture.

    Après quoi M. le garde des sceaux a dit aux gens du roi qu’ils pouvaient parler.

    Aussitôt les gens du roi se sont mis à genoux. M. le garde des sceaux ayant dit :

    « Le roi ordonne que vous vous leviez »,

    Ils se sont levés, debout et découverts ; Me Antoine-Louis Seguier, avocat dudit seigneur roi, portant la parole, ont dit :

    « Sire, par l’édit dont nous venons d’entendre la lecture, Votre Majesté réalise la suppression de différents offices, qui avait été ordonnée en 1759. Les circonstances du temps avaient engagé votre auguste prédécesseur à rétablir les officiers supprimés dans la jouissance provisoire des droits attribués à ces différentes charges jusqu’au remboursement de leur finance. Ce remboursement devait s’effectuer dans une caisse