Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/342

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ter des règlements si préjudiciables à plusieurs de ses sujets propriétaires de bois. C’est dans cet esprit que, par arrêts de son Conseil des

    créée à cet effet, où devait se verser le produit des droits de ces offices et le produit des droits rétablis. L’établissement de cette caisse devait avoir lieu en 1771 ; il fut retardé par une déclaration en 1768, et l’ouverture ne devait s’en faire, d’après cette loi nouvelle, qu’en l’année 1777. Les fonds qui avaient été destinés à ces remboursements étaient une sûreté que le feu roi accordait également et aux propriétaires de ces offices et à leurs créanciers, d’après la liquidation qui en avait été faite en 1760. Votre Majesté, en ce moment, dérange toute l’opération de son auguste prédécesseur : elle accorde le remboursement des offices supprimés, partie en argent, partie en contrats, et ne fixe autre chose, pour effectuer les remboursements projetés, que les droits mêmes attribués à ces offices, qui, par la suppression de plusieurs de ces droits, deviennent insuffisants pour acquitter même les intérêts de la finance. Ces droits eux-mêmes doivent cesser d’être perçus avant que les remboursements soient effectués, et néanmoins, par cette opération, Votre Majesté charge l’État d’une augmentation de 65 millions de dette, à quoi se monte la totalité de la finance des offices supprimés, suivant la liquidation faite en 1760.

    « Nous ne présentons ce calcul à Votre Majesté que pour intéresser sa bonté en faveur de ces officiers, qui, la plupart, jouissaient de ces offices à titre de patrimoine, et qui ne pourront peut-être se défaire que très-difficilement et avec perle des contrats que Votre Majesté va leur donner en payement. Ces considérations ne peuvent que déterminer Votre Majesté à leur assurer de plus en plus le montant de leur créance. Mais pour donner à Votre Majesté une nouvelle preuve de notre obéissance et de notre fidélité, nous requérons que sur l’édit dont la lecture vient d’être faite, il soit mis qu’il a été lu et publié, Votre Majesté séant en son lit de justice, et registre au greffe de la cour pour être exécuté selon sa forme et teneur. »

    M. le garde des sceaux, monté vers le roi, ayant mis un genou en terre pour prendre ses ordres, a été aux opinions à Monsieur, à M. le comte d’Artois, etc. [Voyez l’observation de la page précédente.]……

    M. le garde des sceaux, étant ensuite remonté vers le roi pour prendre ses ordres le genou en terre, descendu, remis à sa place, assis et couvert, a dit :

    « Messieurs, par les motifs que le roi m’a ordonné de vous expliquer, Sa Majesté s’est déterminée à donner un édit portant suppression des jurandes et des communautés de commerce, d’arts et métiers ; le roi ordonne qu’il en soit fait lecture par le greffier en chef de son parlement, les portes ouvertes. »

    Me Paul-Charles Cardin le Bret, greffier en chef, s’étant approché de M. le garde des sceaux, a reçu de lui l’édit ; revenu à sa place, debout et découvert, en a fait la lecture.

    Ensuite M. le garde des sceaux a dit aux gens du roi qu’ils pouvaient parler.

    Aussitôt les gens du roi s’étant mis à genoux, M. le garde des sceaux leur a dit : « Le roi ordonne que vous vous leviez. »

    Eux levés, restés debout et découverts, Me Antoine-Louis Séguier, avocat dudit seigneur roi, portant la parole, ont dit :

    « Sire, le bonheur de vos peuples est encore le motif qui engage en ce moment Votre Majesté à déployer la puissance royale dans toute son étendue ; mais puisqu’il nous est permis de nous expliquer sur une loi destructive de toutes les lois de vos augustes prédécesseurs, là bonté même de Votre Majesté nous autorise à lui présenter avec confiance les réflexions que le ministère qui nous est confié nous oblige de mettre sous ses yeux, et nous ne craindrons point d’examiner, au pied du trône d’un roi bienfaisant, si son intention sera remplie et si ses peuples en seront plus heureux.

    « La liberté est sans doute le principe de toutes les actions ; elle est l’âme de tous les états ; elle est principalement la vie et le premier mobile du commerce. Mais, sire, par cette expression si commune aujourd’hui, et qu’on a fait retentir d’une extrémité