Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/369

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ne mériterait peut-être pas d’occuper vos moments. Aussi c’est moins à raison de son importance que je me suis déterminé à vous la présenter, que pour avoir une occasion de fixer les yeux de Votre Majesté sur les droits qui y donnent lieu.

Votre Majesté sait que les droits connus sous le nom de droits de traite sont un impôt qui se perçoit sur les marchandises lorsqu’on les transporte, et soit à raison de leur valeur estimée en argent, soit à raison de leur qualité et quantité, suivant des tarifs fixés par différentes ordonnances ou règlements. Ces droits sont payés les uns aux entrées et sorties du royaume ; les autres à l’entrée et à la sortie de certaines provinces ; d’autres dans certaines villes, ou dans les lieux déterminés sur certaines routes.

Les avis sont partagés sur les avantages et les inconvénients des droits de traite en général, par rapport à la prospérité du commerce, et même par rapport à l’intérêt des souverains qui en tirent un revenu ; car, quoique l’existence de ce revenu ne soit pas douteuse, il est très-possible que ce ne soit pas la manière la plus avantageuse de procurer au gouvernement ce même revenu. Si les droits de traite sont, par leur nature, contraires au commerce, s’ils tendent nécessairement à en diminuer l’activité, à le surcharger de frais infiniment plus onéreux que le montant même des droits ; et, s’ils l’écartent des lieux qu’il aurait fécondés, s’ils appauvrissent les sujets, ils ne peuvent enrichir le souverain. Ils le privent bien plutôt de l’accroissement de revenu qu’il eût pu retirer, par des voies moins onéreuses, de ses sujets devenus plus riches.

C’est donc par rapport à l’avantage du commerce qu’on doit disputer et qu’on dispute sur l’utilité des droits de traite. Quelques personnes prétendent que c’est un moyen de soulager les peuples, en faisant payer une partie des impôts aux étrangers par les droits de sortie sur les marchandises qu’ils achètent de nous. D’autres veulent que ce soit quand les marchandises étrangères payent des droits à leur entrée en France que les étrangers payent une partie de nos impôts. D’autres croient qu’il est nécessaire de charger de droits les marchandises de fabrique étrangère pour favoriser les manufactures nationales, en affranchissant ou chargeant de droits modérés les matières premières qui doivent alimenter nos manufactures ; que, par une suite du même principe, il faut charger de gros droits la sortie des matières premières du crû du royaume, et n’im-