fection des armes, l’intrépidité dans les combats. La police s’étendait aussi par le moyen du commerce. En général, ce sont les peuples des montagnes et des pays froids ou stériles qui ont conquis les plaines et qui ont formé des empires, ou leur ont résisté. Ils sont plus pauvres, plus robustes, plus inaccessibles ; ils ont pu choisir leur temps pour attaquer, et leurs positions pour se défendre. Et quand ils voulurent être conquérants, ils y avaient plus d’intérêt, ils y trouvèrent plus de facilité.
Les grands empires formés, comme nous venons de le dire, par des barbares, furent despotiques. Le despotisme est facile. Faire ce qu’on veut, c’est un code qu’un roi apprend très-vite ; il faut de l’art pour persuader, il n’en faut point pour commander. Si le despotisme ne révoltait pas ceux qui en sont les victimes, il ne serait jamais banni de la terre. Un père veut être despote avec ses enfants, un maître avec ses domestiques. La probité ne garantit pas un prince de ce poison ; il veut le bien, et il se fait une vertu de vouloir que tout lui obéisse. Plus un État est grand, plus le despotisme est aisé, et plus on aurait de peine à y établir un gouvernement modéré. Il faudrait pour cela un ordre constant dans toutes les parties de l’État ; il faudrait fixer la situation de chaque province, de chaque ville, lui laisser avec son gouvernement municipal toute la liberté dont elle ne saurait abuser. Que de ressorts à combiner, à mettre en équilibre, et quelle difficulté pour qui ne se doute pas que cela soit nécessaire ! Une conquête faite par des barbares, qui est l’ouvrage de la force, et accompagnée de ravages, met dans l’État un désordre qui demanderait, pour être réparé, le génie le plus vaste, la main la plus adroite, la vertu la plus douce et la plus énergique, le cœur le plus pur et le plus élevé.
Dans l’impossibilité de répondre à tout, on n’imagina rien de mieux que d’établir des gouverneurs aussi despotiques sur le peuple qu’esclaves du prince. Il était plus court de s’adresser à eux pour lever les impôts, et pour contenir les peuples, que d’en régler soi-même la manière.
Le prince oublia le peuple. Le meilleur gouverneur fut celui qui donna le plus d’argent, et qui sut le mieux gagner les domestiques et les flatteurs habitués du palais. Les gouverneurs avaient des subalternes qui en agissaient de même. L’autorité despotique rendait les gouverneurs dangereux ; la cour les traita avec la plus grande rigueur : leur état dépendit du moindre caprice. On chercha des prétextes pour les dépouiller des trésors qu’ils avaient pillés ; et on ne soulagea point les peuples, car l’avarice est encore une qualité naturelle des rois barbares.
On n’a point connu les impôts dans l’origine comme une subvention aux besoins de l’État ; mais le prince demandait de l’argent, et on était forcé d’en donner. On lui fait des présents par tout l’Orient : les rois n’y sont que des particuliers puissants et avides.
Tous les pouvoirs furent ainsi réunis dans une seule personne, qui n’eut pas même l’adresse d’en diviser la partie qu’elle ne pouvait exercer. Les princes, les gouverneurs, les subalternes furent autant de tyrans subordonnés, qui ne pesèrent les uns sur les autres que pour accabler le peuple avec toutes leurs forces réunies.
Les princes despotiques n’ayant point trouvé de lois, n’ont guère songé à en faire. Ils jugeaient eux-mêmes : en général, quand la puissance qui fait les lois et celle qui les applique sont identifiées, les lois sont inutiles. Les peines restent arbitraires, ordinairement cruelles de la part des princes, et