Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/152

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fait courir le bruit, sa folie est de celles qu’il faudrait souhaiter à bien des gens que je connais et dont toute la sagesse ne vaut pas un grain de raison.

— Quel âge a cette enfant ? demanda Tom.

— Neuf ans, plaise à Votre Majesté.

— La loi d’Angleterre permet-elle à un enfant de faire un pacte pour se vendre, mylord ?

Tom avait adressé cette question à l’un des juges qui faisaient partie de l’assemblée.

— Sire, dit le savant magistrat en s’inclinant à deux reprises, la loi ne permet point à un enfant de se lier pour aucune affaire importante, ni de figurer dans aucun contrat, attendu que l’enfant, par dénûment ou faiblesse d’intelligence, est inapte, inhabile et incompétent en matière d’engagement, obligation ou controverse avec l’intelligence plus mûre et plus exercée et avec les mauvais desseins de ceux qui sont ses aînés. Tout contrat fait par un enfant avec un Anglais est nul, non advenu et caduc.

— Mais pourquoi ce contrat est-il valable quand il est fait, à cet âge, avec le Malin ? Pourquoi la loi anglaise accorde-t-elle au Malin un droit qu’elle refuse à un sujet anglais ?

Pour la troisième fois les têtes chauves se mirent ensemble. La question soulevée par Tom était si manifestement du domaine de la casuistique que l’on était bien forcé de reconnaître le degré d’avancement de ses études théologiques. N’était-ce point une preuve irrécusable de la similitude des tendances de son esprit avec les préoccupations favorites de son père ?

La femme avait cessé de sangloter. La tête levée, elle interrogeait des yeux la physionomie de Tom, où elle semblait lire, pour elle et son enfant, une