Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/159

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ressemblance que tout le monde resta nu-tête.

Alors, aux sons d’une joyeuse musique, les yeomen de la garde firent leur entrée. C’étaient les plus beaux et les plus grands hommes d’Angleterre : on les choisissait avec un soin particulier.

Mais écoutons le chroniqueur :

« Les yeomen de la garde entrèrent, nu-tête, vêtus d’écarlate, avec des roses d’or dans le dos ; ils allaient et venaient avec ordre, apportant, chacun à son tour, les différents services, le tout dans de la vaisselle plate. Les plats étaient reçus par un gentilhomme dans l’ordre où ils étaient apportés, et placés sur la table, tandis que le gentilhomme ayant privilège de goûter les mets donnait à chacun une bouchée de ce qu’il avait apporté, par peur du poison. »

Tom fit un bon dîner, quoiqu’il vît des centaines d’yeux braqués sur lui pour suivre chacun de ses mouvements, surveiller chaque morceau qu’il portait à la bouche, et ne pas plus le perdre de vue que s’il eût été une bombe explosible prête à éclater en cent pièces dans la salle. Aussi prenait-il garde à tout ce qu’il faisait et à tout ce qu’il ne pouvait pas faire sans manquer au cérémonial, mangeant et buvant lentement et attendant toujours que le gentilhomme privilégié mît un genou en terre et fît à sa place ce qu’à Offal Court il eût sans aucun doute fait lui-même. Il arriva ainsi à doubler le Cap des Tempêtes sans accident, c’est-à-dire à ne commettre aucune gaucherie ; et il put se flatter d’avoir remporté un véritable triomphe.

Le repas fini, le cortège se remit en marche aux sons des trompettes, aux roulements des tambours et aux tonnerres d’acclamations de l’assistance.