Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/185

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n’est pas en état de mouvoir pied ni bras. Pourquoi dis-tu qu’il n’est pas ton frère ?

— C’est un mendiant, un voleur. Il a pris votre argent et votre bourse aussi. Si vous voulez faire un miracle, donnez-lui un bon coup de bâton sur les épaules et la Providence se chargera du reste.

Hugo n’attendit pas le miracle. Il avait pendu ses jambes à son cou, et filait comme le vent, sentant l’étranger charitable sur ses talons et criant à pleins poumons pour donner l’alarme.

Le roi, de son côté, rendant grâces au ciel, fuyait dans la direction opposée, regardant de temps à autre derrière lui, mais n’osant point s’arrêter avant de se savoir en lieu sûr. Il prit le premier chemin venu et eut bientôt perdu de vue le village. Pourtant il ne cessa point de courir pendant plusieurs heures. Lorsqu’il fut bien certain que personne ne le poursuivait, sa frayeur se dissipa petit à petit, et un immense sentiment de bonheur envahit tout son être.

Cependant son estomac criait la faim, ses jambes refusaient d’aller plus loin. Il s’arrêta à la porte d’une ferme. Il voulut donner des explications. On ne lui laissa pas le temps de parler. Les valets le chassèrent grossièrement. Il avait oublié qu’il était en haillons.

Les membres harassés, les pieds en sang, il continua sa route. Son visage était pourpre d’indignation.

— Je ne me mettrai plus dans le cas de subir leurs affronts, se dit-il.

La faim l’emporta sur la fierté. À la tombée du soir, il se risqua timidement à s’arrêter à une autre ferme. Cette fois, le résultat fut pire encore. On